INTERVENTION
- Intervenant du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 14 du 24 03 20
- Lettre n° 1837/PR du 20/03/2020
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : Abstention
DOCUMENTS
SESSION EXTRAORDINAIRE – 1RE SÉANCE DU 26/03/2020
Rapport sur le projet de loi du pays portant modification du Contrat de Soutien à l’Emploi (CSE) et portant création des dispositifs de sauvegarde de l’emploi mobilisables en cas de circonstances exceptionnelles
Chers collègues,Monsieur le vice-président, Madame Sachet et Madame Frogier ainsi que vos collaborateurs. Bonjour, aussi chers collègues.
Ce projet de loi du pays soumis à notre examen, prévoit d’une part de modifier le dispositif du contrat de Soutien à l’emploi, et d’autre part depuis mardi, de créer deux autres dispositifs exceptionnels visant à sauvegarder l’emploi salarié et patenté face à la pandémie mondiale à coronavirus qui affecte actuellement notre pays.
En premier lieu, les dispositions réglementant le contrat de soutien à l’emploi sont modifiées. Le contrat de soutien à l’emploi qui est venu remplacer le dispositif «Incitation au maintien de l’emploi » (IME) a été créé par la loi du pays n° 2014-1 du 7 janvier 2014 et incorporé au code du travail polynésien. Décrit « comme un instrument destiné à sauvegarder l’emploi » et éviter les licenciements dans des entreprises contraintes de réduire leur activité en raison de « la conjoncture économique ; d’un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel », il est octroyé pour une durée de trois mois, renouvelable dans une limite de deux ans.
Par conséquent, le pays accompagne un employeur en compensant « partiellement la perte de salaire subie par le salarié du fait de la réduction du temps de travail à moins de 80 heures par mois ». À ce jour, le montant de ce dispositif qui est « plafonné à 20 % de deux fois le SMIG » s’élève à 161 165 F CFP. Toutefois, la compensation financière, mise en place au bénéfice des salariés, n’est pas soumise aux prélèvements fiscaux et sociaux pour ce qui est de la tranche B de la cotisation retraite et de la cotisation fonds social retraite exceptionnel.
Outre un changement sémantique du terme « Contrat de soutien à l’emploi » qui devient une « Convention de soutien à l’emploi », ce projet de loi du pays prévoit d’« élargir le périmètre et la durée de cette aide ».
Ainsi, la durée du contrat passe de trois mois à six mois et sa durée cumulée maximale de deux ans à trois ans ; cette mesure prorogative s’inscrivant dans le continuum des discussions engagées avec des entreprises du BTP en août 2019 et de la concertation globale tripartite du 16 janvier 2020. Les entreprises du BTP estiment en effet insuffisante la durée de deux ans « pour leur permettre de surmonter des difficultés conjoncturelles » et se plaignent également de la lourdeur des procédures et formalités administratives lors du renouvellement du contrat à l’issue de trois mois.
Cependant, le groupe Tavini Huiraatira s’interroge sur les répercussions de ses prorogations sur nos comptes sociaux car elles ne sont accompagnées d’aucune analyse prospective des conséquences de cette mesure sur les comptes du RGS et ce sont autant de prélèvements fiscaux et sociaux en moins pour la tranche B de la cotisation retraite et la cotisation fonds social retraite exceptionnel. Pour sa part, le Césec a exprimé un avis favorable unanime à cette modification du Contrat de soutien à l’emploi le 3 mars dernier. Cependant, il note que si «la baisse progressive du nombre de salaires bénéficiant du CSE entre 2010 et 2017 serait notamment liée à la reprise économique » a contrario et étonnamment il ne s’explique pas, de même que les auteurs du projet de texte, l’augmentation du nombre de salaires aidés entre 2017 et 2019.
La lecture du rapport de présentation et du tableau montrant l’évolution des chiffres du CSE depuis 2009 amène le groupe Tavini Huiraatira à faire le même constat de l’augmentation du nombre de contrats et de salaires en 2018 et 2019 après leur baisse effective depuis 2011.
Comment expliquer cette augmentation du nombre de contrats en 2018 et 2019 autrement que par une conjoncture économique mitigée ? De même que nous déplorons —comme dit plus haut— l’absence de transmissions des prévisions budgétaires de ce dispositif prorogé pour l’année 2020, nous déplorons également, à l’instar du Césec, l’absence de transmissions de l’évolution des crédits consommés par année et du nombre de salariés et d’entreprises concernés annuellement depuis 2014.
Aucune évaluation du Séfi, à notre connaissance, ne permet aujourd’hui d’apprécier l’efficacité et la portée du dispositif CSE, notamment « ses retombées économiques et sociales, et en particulier, de déterminer le nombre de licenciements qui ont pu être évités à l’issue des CSE octroyés ou encore d’apprécier la situation économique des entreprises concernées ».
Pour ce qui concerne les premières mesures du plan de sauvegarde économique.
En l’occurrence, il s’agit des deux mesures exceptionnelles ajoutées en urgence par amendement lors de la commission de la santé et du travail du 24 mars, qui trouvent leur justification dans l’immixtion délétère du virus Covid-19 dans notre pays et ses conséquences sanitaires et économiques désastreuses.
Depuis le 20 mars et durant deux semaines, des mesures collectives de restrictions drastiques des déplacements sur l’ensemble de la Polynésie et de mise en confinement de la population ont été prises par les autorités du Pays et de l’Etat. Elles ont pour conséquences inévitables, il est vrai, d’empêcher certains salariés et travailleurs patentés d’exercer partiellement ou totalement leur activité professionnelle et d’entraîner « dans les deux cas, une perte de revenus ». À cette fin, deux mesures palliatives de soutien aux emplois sont proposées par la ministre du travail, à savoir le Dispositif Exceptionnel de Sécurisation de [’Emploi (Di.E.S.E) destiné aux salariés, et le Dispositif Exceptionnel de Sauvegarde de l’Emploi des Travailleurs Indépendants (D.E.S.E.T. I), afin de soulager financièrement les employeurs et les patentés fragilisés. Ainsi une allocation exceptionnelle mensuelle de solidarité de 100 000 F CFP est prévue dans les deux cas. Et dans le cas du Di.E.S.E, le Dispositif Exceptionnel de Sécurisation de l’Emploi destiné aux salariés, cette compensation financière ne sera pas assujettie aux prélèvements fiscaux et sociaux.
En ces temps difficiles pour notre Pays, certes, les élus sont appelés à être solidaires dans la décision de soutenir financièrement de manière rapide les entreprises polynésiennes qui vont se trouver en grandes difficultés.
Cependant, rassurez-nous car nous souhaitons connaître les impacts de ces mesures sur les recettes et la trésorerie du régime des salariés, notamment les branches maladie et retraites : Avez-vous effectué une modélisation des effets de ces différentes mesures sur le RGS ? Le RGS ne risque-t-il pas de se trouver très rapidement en situation de « faillite » en trésorerie avec le spectre de l’impossibilité de payer normalement l’hôpital, les établissements de santé et les professionnels de santé mais également des difficultés pour payer les 30 000 pensions du RGS ?
De plus, savons-nous aujourd’hui combien de salariés accepteraient de rompre ou de suspendre leurs contrats de travail avec leurs employeurs pour ne toucher que 100 000 F CFP alors qu’ils ont des emprunts en cours, des traites à honorer ?
Quelles sont les pertes pour la CPS si de tels mécanismes étaient mis en œuvre ?
Je rappelle que la mesure prise par le gouvernement de basculer les CAE du régime de solidarité au régime des salariés avec des cotisations réduites à 3 % au lieu de 15 % pour la maladie aura occasionné plus d’un milliard de pertes pour le régime des salariés.
Madame la ministre, Monsieur le vice-président, de bien vouloir répondre à ces interrogations légitimes et pertinentes du groupe Tavini Huiraatira.
Mme Éliane TEVAHITUA