INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 25 du 30 04 20
- Lettre n° 1320/PR du 27/02/2020
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : Favorable
DOCUMENTS
SESSION ADMINISTRATIVE – 2E SÉANCE DU 14/05/2020
Rapport sur le projet de loi du pays portant modernisation des conditions d’attribution des prestations servies aux adultes handicapés
Chers collègues,
Dans notre pays, les adultes handicapés bénéficient depuis 1982 d’une législation spéciale en faveur de leur insertion professionnelle et sociale grâce à la délibération du 30 avril 1982. Cette délibération fixe notamment la composition et les attributions de la Cotorep laquelle, sur la base d’un dossier médical, statue sur la reconnaissance du handicap, et la qualité de travailleur handicapé, son classement catégoriel (A, B ou C) et son orientation.
Par conséquent, cette commission apprécie le degré d’invalidité de la personne handicapée, et si cette invalidité justifie ou non l’attribution d’allocations.
Elle attribue la carte d’invalidité et la plaque « P.M.R. ». Son avis pèse également sur les décisions de la CPS d’assurer ou non la prise en charge des frais de rééducation, de réadaptation et d’accueil des adultes handicapés.
Pour rappel, la reconnaissance d’un handicap passe en premier lieu par une compensation financière aidant la personne invalide à développer ses capacités. Ainsi, « un taux de handicap égal ou supérieur à 80 % ouvre droit au versement de l’Allocation pour adultes handicapés de 37 000 F CFP par mois ».
Celle-ci peut être majorée d’une allocation complémentaire de ressources tenant compte des ressources financières du ménage, sans toutefois que le cumul des deux allocations né dépasse 73 885 F CFP. Au plan de l’insertion professionnelle, des dispositifs prévoient dès l’âge de 16 ans et à partir d’un taux de handicap de 20 %, le remboursement partiel du salaire via le Contrat de travailleur handicapé, un Stage d’insertion travailleur handicapé et des moyens financiers pour l’aménagement du poste de travail.
Et si l’on en croit les débats en commission de la santé du 30 avril dernier, 16 000 personnes handicapées ont adressé ces cinq dernières années à la Cotorep une demande de reconnaissance de leur handicap.
Parmi elles, 5 000 ont été reconnues travailleurs handicapés et 1000 se sont adressées au Séfi. Mais au final, seul 700 finalisent leur projet professionnel par un stage de travailleur handicapé ou par un contrat à durée déterminée en entreprise.
Le présent projet de loi du pays est motivé par deux constats. D’une part, les démarches administratives de révision quinquennale des dossiers afin de continuer à bénéficier desdites allocations sont pénibles pour les adultes handicapés et chronophages pour les services sociaux.
D’autre part, la législation actuelle n’incite pas les handicapés à chercher du travail car ils perdent le bénéfice de leurs allocations. Le présent texte prévoit ainsi un allègement des procédures pour ceux dont l’invalidité n’est pas censée évoluer, et le maintien du versement de l’allocation en cas d’activité rémunérée.
Pour illustrer mon propos, en 2018, la Cotorep a examiné 2 707 dossiers dont les deux tiers correspondent à des renouvellements et un tiers à de nouveaux dossiers. Dorénavant celle-ci ne statuera qu’une seule fois pour les prestations et droits des personnes dont le taux d’handicap égal ou supérieur à 80 % est non évolutif.
Cette nouvelle mesure profitera aux services sociaux en sous-effectif chronique qui verront leur charge de travail vis-à-vis de la population des handicapés diminuer.
Ils pourront ainsi se consacrer aux urgences sociales en recrudescence depuis la crise sanitaire du covid. Cette mesure aura également pour effet d’alléger de manière substantielle les travaux de la Cotorep, et enfin, elle facilitera la vie de 735 allocataires qui se verront dispenser du renouvellement de leur demande en 2020.
Madame la ministre, à l’instar des préconisations pertinentes émises par le Césec dans son avis en date du 13 février 2020 : Prévoyez-vous d’étendre cette décision définitive de la Cotorep aux handicaps non évolutifs à partir de 20 % de taux de handicap ?
Puis dans un souci d’éviter tout abus par des ordonnances de complaisance, prévoyez-vous de réserver exclusivement la consultation de toute personne éligible à cette pension au médecin de la Cotorep ?
Et enfin, dans la perspective de progrès médicaux révolutionnant le traitement d’infirmités considérées définitives à ce jour, grâce notamment aux progrès de l’intelligence artificielle, n’estimez-vous pas opportun de spécifier dans ce texte le caractère révisable d’une décision définitive en fonction des progrès de la médecine?
La deuxième mesure de ce projet de loi du pays vise désormais au maintien de l’Allocation adultes handicapés en cas d’emploi salarié ou d’activité professionnelle non salariée. Selon le rapport de présentation, 400 travailleurs handicapés seraient susceptibles de répondre à cette mesure.
Mais ramenée à une population générale de 16 000 handicapés, cette mesure ne concernera qu’une personne handicapée sur 40, et parmi les 5 000 personnes reconnues travailleurs handicapés, elle ne bénéficiera au final qu’à un handicapé sur 8.
En d’autres termes, seul une personne reconnue travailleur handicapé sur 8 aurait un travail, malgré les aides substantielles allant jusqu’à 50 % du salaire remboursé, accordées aux entreprises embauchant un travailleur handicapé.
Cette mesure certes bénéfique est —ne nous cachons pas — avant tout symbolique. Par ailleurs, en raison du cumul des allocations d’handicapé avec les revenus du travail, le projet de loi du pays prévoit une double affiliation au régime de solidarité pour bénéficier des allocations d’handicapé et au régime des salariés ou des non salariés pour l’activité rémunérée. Pour ce faire, les revenus du travail ou les indemnités de stage ou de formation ne sont pas pris en compte dans le calcul des ressources nécessaires au maintien du versement de l’Allocation aux adultes handicapés pour Adulte par le régime de solidarité.
Néanmoins, les revenus du foyer ne doivent pas dépasser un montant de deux SMIG. Et enfin pour terminer, il n’y a pas de doute sur le fait que ce projet de loi du pays va améliorer sensiblement la qualité de la prise en charge des adultes handicapés, même s’il est perfectible.
C’est pourquoi le groupe Tavini Huiraatira votera très favorablement en sa faveur.
Mme Éliane TEVAHITUA