INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport nº 76 – 2013 du 24/07/2013
- Lettre n° 3769/PR du 4 juillet 2013
- Temps de parole : 11 mn
- Consigne de vote : Favorable
DOCUMENTS
COMMISSION PERMANENTE DU 13/08/2013
Rapport relatif à un projet de délibération portant approbation par l’assemblée de la Polynésie française de la convention particulière 2013 entre la Polynésie française et l’Autorité de Sûreté Nucléaire
Monsieur le président.
En introduction à mon intervention sur ce dossier relevant du domaine nucléaire civil, permettez-moi de vous rappeler quelques dates historiques concernant le nucléaire militaire.
Il y a 68 ans, les 6 et 9 août 1945, Hiroshima et Nagasaki étaient bombardés par l’armée américaine , tuant 200 000 civils japonais.
Le 2 juillet 1966 explosait la première bombe nucléaire française au-dessus de Moruroa et notre Pays subissait 30 ans d’essais nucléaires français d’abord atmosphériques puis souterrains.
Le 29 août 2013 prochain est, depuis 2010, la date de la Journée Internationale contre les essais nucléaires, fixée par les Nations-Unies dans sa résolution 64/35 unanimement plébiscitée par les états membres dont fait partie la France.
Le dossier nucléaire civil que nous examinons aujourd’hui, porte sur l’utilisation des rayonnements ionisants à des fins médicales, car la Polynésie française dispose d’un parc d’une centaine d’appareils de radiodiagnostics médicaux et dentaires.
Ces appareils permettent de réaliser des radiographies médicale s et dentaires provoquant une irradiation externe estimée proche de 1 millisievert par an et en moyenne.
Ce projet de délibération met en place les mesures nécessaires pour sécuriser ces appareils et protéger, aussi bien les patients, les usagers que les professionnels de santé amené s à les manipuler.
Dans une part moindre, est également concernée l’utilisation d’appareils émettant des rayonnements ionisants dans les domaines industriels — par exemple pour mesurer la couche externe de la perle nacrière — , et aussi scientifiques au niveau de l’Institut Malardé . Tout d’abord, que l’on ne se méprenne pas sur les intentions de vote de l’UPLD , dans ce dossier.
L’UPLD votera en faveur de ce projet de convention particulière 2013 entre la Polynésie française et l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
Pourquoi ? Parce que les principales composantes de l’UPLD (Tâvini Huiraatira, l a mana te Nunaa, Heiura les verts) ont toujours eu un positionnement clair sur le dossier du nucléaire.
Autant l’usage à des fins médicales, industriels et de recherche recueille l’approbation de l’UPLD , autant l’UPLD a combattu vigoureusement les essais nucléaire s effectués dans notre Pays et se bat encore à l’heure actuelle pour la reconnaissance des conséquences sanitaires et environnementales du feu nucléaire sur le peuple Polynésien. Mon propos d’aujourd’hui sera de vous démontrer l’incongruité et le non-sens du positionnement de votre gouvernement, et aussi de mettre en exergue la schizophrénie qui caractérise votre demande.
D’un côté, vous allez instaurer des mesures sécuritaires contraignantes mais indispensables dans l’usage médical, industriel, scientifique des rayonnements ionisants; mais de l’autre, vous avez sciemment fermé les yeux sur 30 ans d’essais nucléaire s français et vous adoptez une politique de négation totale des conséquence s des rayonnements ionisants de ces essais nucléaires sur la santé de notre population et sur notre environnement.
Auparavant permettez-moi de vous définir très brièvement ce qu’est un rayonnement ionisant : « Un rayonnement ionisant c’est un rayonnement capable de déposer assez d’énergie dans la matière qu’il traverse pour créer une ionisation. Pour les organismes vivants, ils sont potentiellement nocifs à -la longue et mortels en cas de dose élevés.
Les rayonnements ionisants ont un effet néfaste sur les cellules vivantes et particulièrement sur l’ADN. » Comme référence, je vous renvoie wikipédia.
Ce rayonnement présente donc des effets délétères et mortels pour tous les organismes vivants dont l’homme.
Mais depuis plus de 100 ans, la médecine occidentale a su utiliser les rayonnements ionisants produits par des générateurs électriques ou des radioéléments artificiels afin de diagnostiquer et de traiter certaines maladies.
Pour cadrer l’utilisation de ces rayonnements ionisants à des fins médicales, industrielles et de recherche, des mesures de sécurité sanitaire doivent être prises pour protéger l’homme et son environnement contre leurs effets néfastes.
C’est cela la radioprotection des personnes. Si la radioprotection des malades et des travailleurs exposé s aux rayonnements ionisants des appareils de radiothérapie est de la compétence de notre Pays par avis du Conseil d’État en date du 26 juin 2007, par contre tout ce qui concerne le nucléaire militaire relève de la défense du territoire national de la France et ce domaine-l à est une compétence régalienne en vertu de l’article 14-4 de l a loi organique statutaire de 2004.
Par contre, les conséquences environnementales et sanitaires des essais nucléaires français sont bien du ressort de notre Pays. Preuve en est la prise en charge des malades atteints de cancers radio-induits par notre Caisse de Prévoyance Sociale.
Bien que le toilettage et réglementation afférente à la radioprotection et la promotion de l a qualité et de la sécurité des examens radiologiques soient de compétence territoriale, le Pays doit néanmoins recourir à l’aide technique de l’Autorité de Sûreté Nucléaire .
C’est ainsi que des conventions cadres ont été signées entre notre Pays et l’ASN en 2009 puis en 2012, celui de 2012 ayant des effets jusqu’en fin décembre 2014.
Voyons maintenant ces mesures prévue s par le projet de convention de coopération particulière-2013 entre la Polynésie et l’ASN ,
Pour chaque programme prévu dans la convention, j’essaierai de faire un parallèle avec la situation concernant les conséquence s des essais nucléaires pratiqués durant 30 ans dans notre Pays.
Autant la Polynésie française, en partenariat avec l’ASN , va tout mettre en œuvre pour prendre des mesures de radioprotection des installations utilisant des rayonnements ionisants, autant votre gouvernement va s’acharner à détruire la délégation polynésienne pour le suivi des conséquences des essais nucléaires et à la réduire au silence.
Un mutisme qui doit sans doute vous déranger, vous arranger, plutôt.
Le projet de convention particulière 2013 prévoit que : premièrement, en matière juridique, l’ASN va intervenir auprès de la Polynésie française pour aider à la révision de la réglementation.
Le territoire avec le soutien technique de l’ASN va donc élaborer une réglementation sur la radioprotection et l’utilisation des rayonnements ionisants dans le domaine de la santé, de l’industrie et de la recherche.
Pour l’UPLD , c’est une bonne chose. Par contre au niveau de la loi Morin votée en 2009 qui avait pour vocation d’indemniser les victimes des essais nucléaires, cette loi est rédigée de telle sorte qu’elle ne peut indemniser quasiment personne.
Lors de la dernière campagne législative, vos 3 nouveaux députés s’étaient engagés à améliorer cette loi Morin . À ce jour, ils n’ont rien fait sinon proposer de créer une commission d’évaluation de la loi Morin qui aura pour conséquence de faire traîner les choses ! Les comités Théodule sont pratiques pour enlever les dossiers!
Pendant ce temps, nos familles polynésiennes continuent d’enterrer leurs proches malades des cancers liés aux essais nucléaires ! i Deuxièmement, en matière de formation, l’ASN et les interlocuteurs désignés de la Polynésie française vont déterminer les modalités d’accompagnement nécessaires.
Ce programme qui consiste à former les médecins et les correspondants des services de santé et du travail à la radioprotection des personnes, ce programme-là , nous l’approuvons, sans problème.
Par contre, votre gouvernement ne met pas en place la formation de nos professionnels de santé aux conséquence s sanitaires des essais et aucune étude sérieuse n’ a été menée par les autorités sanitaires locales sur la forte prévalence des cancers radio-induits en Polynésie française.
Votre gouvernement n’envisage pas non plus d’orienter les travaux du service de l’environnement vers l’évaluation des conséquence -s environnementales des même -s essais.
Or, grâce à la perspicacité de la délégation polynésienne de suivi sur les conséquences des essais nucléaires, les Polynésiens savent maintenant que les récifs de Moruroa et de Fangataufa sont sur le point de s’effondrer.
Dès que cela se produira, un tsunami dévastera immédiatement l’atoll habité de Tureia.
Mais cela vous n’en avez cure, puisque vous êtes dans le déni. Mais, qu’allez-vous faire pour les habitants de Tureia ? Toujours en matière de formation et d’information, votre gouvernement ne met pas non plus en œuvre la résolution 64/35 adoptée par l’ONU , dont, je précise, l a France est un État-membre .
Cette résolution insiste pourtant sur l’importance que revêt l’éducation en tant qu’outil au service de la paix, de la sécurité, du désarmement et de la non-prolifération ».
Elle proclame pourtant « le 29 août Journée internationale contre les essais nucléaires, destinée à éduquer le public, à le sensibiliser aux effets des. explosions expérimentales d’armes nucléaires et autres explosions nucléaires et à la nécessité d’y mettre fin, en tant que moyen parmi d’autres de parvenir à l’objectif d’un monde sans armes nucléaires ».
Elle invite pourtant les états membres, dont la France, « à célébrer comme il se doit la Journée internationale contre les essais nucléaires, notamment au moyen d’activités éducatives et de campagnes de sensibilisation. » De tout cela il n’en sera rien dans notre Pays qui a le triste privilège d’avoir subi 192 explosions nucléaires françaises, 46 dans son atmosphère et 146 dans son sous-sol sous-marin.
Troisièmement, en matière de recensement et d’évaluation de la conformité des installations, l’AS N interviendra en tant qu’expert pour apporter son aide et son soutien technique pour suivre le recensement des appareils médicaux industriels et de recherche. L’ASN va aussi intervenir en tant qu’expert pour effectuer des visites d’évaluation de la conformité des installations. L’UPLD approuve cela.
Mais à l’opposé , vous ne vous inquiétez pas de savoir si tous les capteurs de surveillance installés à Moruroa fonctionnent bien alors que la délégation de suivi des conséquences des essais nucléaires avait permis aux Polynésiens de savoir que seule une dizaine de capteurs sur les trente installés à Moruroa, fonctionne encore, démontrant ainsi que dans la réalité l’État ne surveillait plus grand chose.
Quatrièmement, concernant la déclaration des accidents de radioprotection, l’ASN intervient en tant qu’expert auprès de notre Pays pour apporter son aide et son soutien technique pour l’instruction et le traitement des déclarations des événements significatifs en radioprotection. Le s « événements significatifs en radioprotection » est un jargon de L’ASN pour désigner en fait les incidents et les accidents découlant de la surirradiation des usagers.
(Le président : « Vous pouvez conclure, madame Tevahitua ? S’i l vous plaît. ») Je vais faire en abrégé . L’UPLD adhère à cette procédure sécuritaire mais par contre, le mutisme de votre gouvernement et sa politique de l’autruche sont intolérables quand vous avez eu connaissance qu’après le tir Centaure du 17 juillet 1974, Tahiti a été littéralement « douchée » au plutonium pendant deux jours, car les nuages contaminés lors du tir à Moruroa, à 1400 km de distance, ont crevé et libéré la pluie en arrivant sur l’île. Je vais abréger. (Le président : « Merci pour la conclusion. »)
J’ai presque fini, puisque je suis obligé de de restreindre mon intervention.
En fait, depuis votre retour aux affaires du pays, vous vous êtes acharnés à réduire à néant la délégation polynésienne pour le suivi des conséquences des essais nucléaires en faisant limoger son délégué, monsieur Bruno Barillot, par votre ministre fantoche de… (Coupure de micro) Le président : Merci ,madame le rapporteur du groupe UPLD . (Mme Éliane Tevahitua, hors micro : « Vous m’avez coupé la parole ! ») Oui , parce que vous n’avez pas conclu comme il faudrait. (Mme Éliane Tevahitua, hors micro : « C’est mal élevé ! »)
Merci , madame Tevahitua.
Mme Éliane TEVAHITUA