INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport nº 92 – 2013 en date du 28/08/2013
- Lettre n° 4289/PR du 29 juillet 2013
- Temps de parole : 11 mn
- Consigne de vote : Favorable
DOCUMENTS
Correspondance
Intervention
Questions écrites
SESSION BUDGÉTAIRE – 2ÈME SÉANCE DU 03/10/2013
Rapport relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2012 du Conservatoire artistique de Polynésie française et affectation de son résultat
Monsieur le président.
Le Conservatoire artistique de la Polynésie française, Te fare upa rau, dont nous examinons aujourd’hui le compte financier 2012 est un E.P.A, c’est-à-dire un établissement public administratif, créé en 1978 et ouvert depuis la rentrée de septembre 1979, il y a de cela 34 ans.
C’est le seul conservatoire de musique et de danse en Polynésie.
Il délivre deux diplômes : le certificat de fin d’études musicales ou de fin d’études traditionnelles qui s’obtient au bout de huit à dix années d’études minimum puis le diplôme d’études musicales ou traditionnelles.
L’admission aux classes préparant au diplôme d’études musicales ou traditionnelles obéit à des règles draconiennes, puisque l’élève doit avoir une note égale ou supérieure à 17 sur 20.
Les missions du Te fare upa rau sont entièrement contenues dans la délibération du 20 juillet 1989 modifiée, selon laquelle il a pour vocation d’enseigner la musique, le chant, la danse et les arts plastiques, de promouvoir la culture artistique et de préparer et d’accéder à leur enseignement, de promouvoir nos danses et nos chants polynésiens, de conserver le patrimoine musical polynésien et de mettre en place, de promouvoir toutes formations orchestrales ou chorales.
Conformément à ces missions, le Te fare upa rau initie les enfants et adolescents à la découverte et à la pratique des arts classiques et traditionnels, mais il est aussi ouvert aux adultes mélomanes.
C’est le seul établissement de musique du pays à délivrer des diplômes sanctionnant une maîtrise des disciplines et permettant aux élèves d’assister les enseignants principaux lors des cours aux plus jeunes élèves.
31 disciplines y sont enseignées dans trois départements : le département des arts traditionnels regroupant la danse traditionnelle, les instruments (ukulélé, guitare et percussions traditionnelles), les chants polyphoniques traditionnels, l’art oratoire et une classe de langue et culture polynésiennes. Ce département est donc entièrement dédié au maintien et à la perpétuation des richesses artistiques de notre pays.
Par contre, les activités d’arts traditionnels ne bénéficient à l’heure actuelle d’aucune reconnaissance à part entière.
Pour ne citer que la danse traditionnelle, il n’est pas reconnu en tant que discipline pédagogique valable en France et, donc, son enseignement est inexistant dans les 330 conservatoires hexagonaux.
Dans son projet d’établissement 2013-2018, l’ambition de la direction du Te fare upa rau est d’arriver à la reconnaissance du département des arts traditionnels comme activités à part entière auprès de l’organisme métropolitain appelé « Inspection de la musique ».
Grâce à cette reconnaissance pédagogique, la direction du Te fare upa rau espère ainsi permettre in fine aux jeunes Polynésiens diplômés d’enseigner dans les écoles françaises de musique.
L’objectif de la reconnaissance pédagogique par la France de nos arts traditionnels a, à notre avis, peu de chance d’aboutirLe deuxième département est celui des arts classiques français avec la pratique d’instruments tels que la clarinette, la flûte, la guitare, l’orgue, le piano, les percussions, et j’en passe.
Ça va même jusqu’à la trompette, le cor, le trombone, le tuba, l’alto.
Il y a également les chorales qui se trouvent dans ce département pour adultes et pour enfants, ainsi que du jazz et deux grandes formations orchestrales.
Se rajoutent également à ce département les classes de solfège. C’est ce département des arts classiques qui confèrent une reconnaissance hexagonale au Te fare upa rau en tant que CRD, c’est-à-dire un conservatoire à rayonnement départemental dans la classification française.
À l’inverse du département des arts traditionnels, il reproduit intégralement un copié/collé de ce qui se fait dans les 300 conservatoires hexagonaux. Autant il ne nous paraît pas inutile d’enseigner le chant, l’orgue, le piano, le violon, les percussions, mais autant on peut se poser la question de la nécessité de maintenir l’enseignement de la clarinette, de la flûte, de la trompette, du cor, du trombone, du tuba et de l’alto.
On peut aussi se poser la question du nombre d’élèves se consacrant à ces matières musicales, d’autant que leur enseignement a un coût financier certain. Et enfin il y a un troisième département, celui des-arts plastiques.
Pour ce qui est du budget de fonctionnement du Te fare upa rau en 2012, il s’élève à 310 millions et provient à 72 % de la subvention du pays de 225 millions.
On notera que la participation de l’État est anecdotique, de l’ordre de 10 millions, alors que l’enseignement dispensé en art classique est conforme à celui dispensé dans les conservatoires hexagonaux et permet de délivrer les mêmes diplômes. Nous remarquons que les charges de personnel sont de l’ordre de 266 millions, représentant ainsi 86 % des frais de fonctionnement. 58 personnes travaillent en tant qu’agents ou prestataires de services pour le Te fare upa rau. Parmi eux, 45 sont enseignants : 24 en section de musique classique, 20 en section traditionnelle et 1 en arts plastiques.
Vu les difficultés budgétaires qu’ils rencontrent, l’établissement doit tenter de réduire ses charges de personnel pour ne pas perpétuer ses problèmes à l’avenir. Les recettes propres s’élèvent à 63 millions, soit 20 % du fonctionnement.
Elles proviennent principalement de l’encaissement des droits d’inscription et dans une moindre mesure des stages d’arts traditionnels, de la location d’instruments et de salles, de la vente de dvd et des spectacles.
Il convient de les majorer, et l’objectif de la direction de cet établissement pourrait être de parvenir à 70 millions au moins de recettes en 2013.
Cet objectif est louable, mais il doit être poursuivi et augmenté en 2014 et pour les années futures. Le résultat financier de 2012 est déficitaire de 17 millions. Il est attribué par l’établissement à la diminution de la subvention du pays qui est passée de 250 millions en 2011 à 225 millions en 2012.
Au vu de la situation financière difficile du Te fare upa rau, nous invitons cet établissement à ne pas se cantonner à une position âttentiste. Au contraire, la direction doit rechercher à augmenter ses propres ressources pour s’affranchir progressivement de la dotation du pays. Pour ce faire, il peut agir au niveau des droits d’inscription, de la certification des chefs de groupe, au niveau des stages de danse traditionnelle pour les touristes.
Pour augmenter ses ressources propres, le Te fare upa rau peut agir, premièrement, au niveau des droits d’inscription. Pour la rentrée de septembre 2013, 1 538 élèves sont inscrits, dont 700 environ pour chacun des départements d’arts traditionnels et d’arts classiques, et une centaine pour les arts plastiques.
1 500 élèves rapportés à un budget de fonctionnement de 300 millions environ, cela fait 200 000 francs CFP de dépenses de fonctionnement par élève. Les frais d’inscription actuels sont très inférieurs, aux tarifs pratiqués dans le privé.
Ils ont été rendus possibles jusqu’à présent à cause du soutien du pays à travers sa subvention annuelle.
Mais aujourd’hui, avec la baisse constante de la dotation du pays, il convient d’aligner, à mon sens, les frais d’inscription du Te fare upa rau sur les tarifs pratiqués dans les cours particuliers de danse traditionnelle où les mensualités sont au minimum de 7 000 francs, et ça peut même aller jusqu’à 10 000 francs par mois.
Sur une période scolaire de dix mois (de septembre à juin), le Te fare upa rau pourrait encaisser 70 000 francs par élève, soit une recette pour 1 500 élèves de 105 millions. Cela représenterait le tiers de son budget de fonctionnement.
Cependant, pour les enfants de familles nécessiteuses ou en difficulté sociale, et partant du principe que le Conservatoire peut être un outil d’intégration sociale pour lutter contre les inégalités, des partenaires caritatifs peuvent être mis à contribution pour fournir les fonds permettant d’intégrer les enfants méritants et défavorisés. Pour augmenter ses ressources propres, le Te fare upa rau peut aussi agir au niveau de la formation professionnelle. Dans son projet d’établissement 2013-2018, le conservatoire souhaite créer un module de formation professionnelle pour donner une certification aux directeurs d’écoles de danses et aux chefs de groupe à enseigner la danse traditionnelle et, à plus long terme, cette certification pourrait être étendue à toutes les disciplines traditionnelles telles que les percussions, les chants polyphoniques traditionnels et les cordes.
Pour ce modulé de formation professionnelle, une participation financière pourrait être demandée aux bénéficiaires. Il convient également d’ouvrir ces formations aux professeurs ou chefs de groupe venant de pays étrangers tels que le Japon, les États-Unis, etc.
Cela fournirait une source non négligeable de devises étrangères à l’établissement. Toutefois, la codification des pas de danse est un préalable indispensable à la reconnaissance de la danse traditionnelle au niveau international et à toute organisation professionnelle dans ce secteur.
Pour augmenter aussi ses ressources propres, le Te fare upa rau peut également proposer et développer des stages payants de danse traditionnelle pour les touristes de passage dans les hôtels et pensions de famille de Tahiti.
En conclusion, le Te fare upa rau dispose de beaucoup d’atouts et de possibilités pour augmenter ses ressources propres.
Le groupe UPLD valide favorablement le compte financier 2012 du Te fare upa rau mais, par contre, exhorte la direction poursuivre ses efforts en vue de son autonomisation financière de façon à ne plus dépendre de la subvention annuelle du pays.
Je vous remercie.
Mme Éliane TEVAHITUA