INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport nº 84 – 2013 en date du 20/08/2013
- Lettre n° 4170/PR du 23 juillet 2013
- Temps de parole : 11 mn
- Consigne de vote : Favorable
DOCUMENTS
COMMISSION PERMANENTE DU 29/08/2013
Rapport relatif à un projet de délibération portant approbation du compte financier de l’exercice 2012 de l’établissement public administratif dénommé « Centre de formation professionnelle des adultes – CFPA » et affectation de son résultat
Monsieur le président.
Le Centre de formation professionnelle des adultes dont nous examinons ce matin le compte financier est un établissement public administratif créé par le Pays en 1997 pour former toute personne de plus de 16 ans sans qualification afin de les insérer professionnellement et satisfaire les besoins de main d’œuvre qualifiée des entreprises locales.
En effet pour être admis à intégrer ce centre il n’y a pas d’exigence de diplôme, mais tout candidat doit au préalable savoir lire, écrire et compter.
Je suppose que si cette condition a été mise c’est qu’il y a encore de nos jours des polynésiens qui ne possèdent hélas pas ce savoir à minima, pourtant donné gratuitement par notre système éducatif.
Cela pose le problème de l’illettrisme et de l’échec scolaire comme étant des causes pourvoyeuses d’inadaptation à la vie sociale actuelle et d’absence de qualification professionnelle
La deuxième condition est d’avoir un projet professionnel pour contenir les personnes qui seraient uniquement attiré par les indemnités octroyées lors de la formation.
La troisième condition vérifie les connaissances qui sont en lien avec le métier souhaité par le candidat ainsi que le raisonnement logique.
Et enfin, la quatrième condition donne la priorité aux personnes sans qualification par rapport aux diplômés.
Ces diplômés étant les titulaires de CAP jusqu’au BTS. Et donc, je remarque que parmi les candidats qui viennent frapper aux portes du centre, il y a également des jeunes polynésiens titulaires d’un BTS, c’est-à-dire des jeunes qui ont un niveau BAC+2. Cela pose question sur le choix des filières de BTS où s’engagent nos jeunes étudiants et sur le constat angoissant que même avec un BAC+2 on peut être au chômage.
Donc tout le message que nous parents, nous la société, donnons à nos enfants de bien travailler à l’école pour avoir un bon travail, eh ben tout ce discours là s’effrite au contact de cette triste réalité.
Et que dire de nos rares polynésiens ayant pu poursuivre des études dans des universités ?
Les perspectives d’emploi après leur cursus et au retour au pays ne sont guère réjouissantes.
Pour en revenir au CFPA, sur plus de 3 000 candidats chaque année, le CFPA forme huit centaines de stagiaires par an à 26 métiers différents.
Alors, ça va de l’agent d’entretien du bâtiment, agent d’hôtellerie, mécanicien, métallier, peintre en bâtiment… Enfin, je ne vais pas tous les citer.
Et en tout cas, euh… ce que l’on peut constater c’est que le CFPA donne une offre de formation qui est conséquente et diversifiée et elle permet aux stagiaires d’obtenir une certification professionnelle.
Cependant, force est de constater qu’à l’issue de leur formation, le taux d’embauché des stagiaires était de 49 % en 2011 et a baissé à 43 % en 2012.
Alors que pendant la période 2008-2010, ils atteignaient les 64 %.
Donc il y a une réelle difficulté actuelle pour plus de la moitié à trouver un emploi, même en sortant du CFPA.
Il est à noter également que les stagiaires de plus de 26 ans représentent désormais plus du tiers des effectifs en 2012, alors qu’ils ne représentaient que 10 % en 2006.
Ces stagiaires donc sont plus âgés et ils sont, pour la grande majorité, des chargés de famille en chômage et en recherche d’emploi.
Un autre élément aussi est à noter : 56 % des stagiaires sont des femmes, alors qu’il y a trois ans, c’était majoritairement des hommes. Ces femmes ont plus de 30 ans, elles sont mères et très motivées puisqu’il a été constaté une baisse du taux d’absentéisme à moins de 10 %, au lieu des 20 à 30 % habituels il y a quelques années.
Donc, le CFP A qui est réparti sur 4 sites géographiques : Pïra’e, Punaru’u, Taravao et Ra’iâtea compte 80 salariés.
Les moyens financiers qui sont mis à disposition hors écriture d’ordre et amortissement sont de 752 millions en 2012, alors qu’ils étaient de 1 milliard en 2010.
Donc, du fait de la diminution de la subvention du Pays au budget de fonctionnement, le CFPA n’est plus en mesure de répondre aux besoins des demandeurs d’emploi.
Faut-il le rappeler, ces derniers étaient de 3 072 en 2011 et en augmentation au chiffre de 3 733 en 2012. Donc, toujours à cause de la baisse de son budget, le CFPA ne fonctionne qu’à la moitié de sa capacité d’accueil qui est de 1 500 au maximum.
Or, en ces périodes de crise nous sommes donc témoins d’une situation contradictoire où malgré l’augmentation du nombre des chômeurs, et donc de demandeurs de formations qualifiantes, il y a une diminution des moyens accordés au centre de formation et donc une baisse de leur capacité de recrutement en stagiaires.
Donc, nous sommes en effet face à un paradoxe, l’on constate d’une part que le nombre de demandeurs de formations professionnelles est en forte augmentation de l’ordre de 22 % entre 2011 et 2012, alors que d’autre part, les moyens financiers mis en place sont en nette baisse.
Concernant la baisse des moyens financiers, la réduction sensible de la dotation du Pays en 2012 a provoqué une désorganisation structurelle du centre. L’on peut comprendre le climat délétère qui y règne et le découragement qui atteint ses dirigeants.
Certes, nous sommes dans un contexte économique particulièrement difficile, des milliers d’emplois ont été détruits.
Allons-nous nous contenter de subir cette crise ou nous dire justement qu’il est peut-être temps de prendre les taureaux par les cornes et d’engager des décisions courageuses, je dirais même osées ?
Je m’explique : de mon avis, une solution est possible est à chercher au niveau de toutes ces subventions qui sont accordées aux diverses associations.
Non pas que je veuille les écarter ou les éliminer, là n’est pas mon propos. Mais, celui de revoir dans le fond la répartition de l’intervention financière publique.
Le contexte économique difficile doit pouvoir diriger nos actions vers ce qui me paraît fondamental pour la société civile polynésienne : à savoir que la collectivité doit contribuer coûte que coûte à. l’insertion des publics sans emploi.
N’est-ce pas aujourd’hui une raison indispensable de renforcer les moyens financiers et humains du centre rendus nécessaires par la formation des personnes de plus en plus nombreuses à solliciter une qualification professionnelle ? –
La diminution de la subvention de fonctionnement a entraîné le report du recrutement des formateurs, et par conséquent la réduction des effectifs stagiaires.
Et pourtant, la capacité d’accueil du centre est loin d’être atteinte.
À mon sens, c’est aujourd’hui que nous devons à tout prix soutenir cet établissement public si nous voulons qu’ils remplissent pleinement ses missions de formation en faveur de tous ceux et celles, qui, par manque de qualification rencontrent tellement de difficultés dans l’insertion professionnelle.
Je veux croire que sur ce point nous sommes tous unanimes pour dire qu’une des priorités de l’action publique serait de renforcer, d’améliorer et de développer davantage la formation professionnelle et la formation continue.
C’est une condition pour réussir l’insertion professionnelle.
Je retiens l’exemple de la validation des acquis de l’expérience.
Ce titre délivré permettra aux lauréats, soit d’obtenir un statut de salarié au sein d’une entreprise, soit de créer sa propre activité économique, sans lequel il lui serait impossible de monter sa petite entreprise.
Il contribue ainsi, à son niveau, à la perspective d’une reprise de notre économie locale.
Aussi ce programme de formation ne doit pas être arrêté. Nous avons le devoir et l’obligation de sortir le CFPA de cette situation alarmante et stressante pour les dirigeants et l’ensemble de l’équipe pédagogique.
Nous avons les moyens d’y parvenir, il suffit d’en avoir la volonté.
Je vous remercie de votre attention.
Mme Éliane TEVAHITUA