INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Eliane TEVAHITUA
- Rapport n° 145/2020 du 10 décembre 2020
- Lettre n° 759 DIRAJ du 4 novembre 2020
- Temps de parole : 11 mn
- Consigne de vote : DEFAVORABLE
DOCUMENTS
PREMIERE SÉANCE DE LA COMMISSION PERMANENTE du lundi 11 janvier 2021
Rapport relatif à l’avis de l’assemblée de la Polynésie française sur le projet d’ordonnance portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,Mesdames et Messieurs les Représentants,Chers Collègues,
L’Assemblée est saisie d’un projet d’ordonnance relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans notre Pays et du droit d’asile.
Nous nous trouvons dans une situation paradoxale par rapport à l’exercice d’un droit essentiel, celui du contrôle des étrangers sur le sol de notre Pays.
Ce droit relève exclusivement de la compétence de la puissance administrante. Néanmoins, notre Assemblée est consultée sur ce sujet qui n’est pas le sien !, hormis les compétences résiduelles qui sont le nôtres en termes d’autorisation de travail et d’investissement des étrangers en Polynésie.
Il nous est demandés un avis sur un sujet sur lequel nous ne sommes pas juridiquement compétents, alors même que cette matière se trouve être au cœur des préoccupations des Polynésiens et qu’elle nous interpelle à plus d’un titre : immigration, acquisition foncière, protection de l’emploi local, océanisation et préférence territoriale, délivrance des visas etc…
C’est un premier paradoxe.
La seconde anomalie que je relève tient à l’objet même de cette saisine, à son contenue et sa forme.
En effet, nous sommes saisis d’un projet d’ordonnance qui modifie « à droit constant » la réglementation relative au séjour des étrangers et au droit d’asile. Cette codification ne modifie en rien la réglementation existante sur le fond et le droit positif existant.
Il ne s’agit ni plus ni moins, que d’un ensemble d’aménagements rédactionnels, une harmonisation des textes, une sorte de toilettage juridique, bref un travail de scribe besogneux.
Malheureusement dans ce travail de transcription, l’Etat a failli.
En effet, la codification proposée, le produit fini, le rendu, sont illisibles et inintelligibles.
C’est là, l’avis du Président du Gouvernement dans ses correspondances successives du 2 et du 4 décembre 2020 au Président de l’Assemblée et au Député Moetai Brotherson. La Commission des Institutions a également émis un avis défavorable à cette extension législative, dans sa séance du 4 décembre 2020.
Dans ce contexte, comment rendre ce texte opposable aux administrés. Certes, nul n’est sensé ignoré la loi, mais encore faut-il qu’elle soit intelligible et à la portée du plus grand nombre.
L’ultime paradoxe, que je relèverai est celui d’un Etat souverain, puissance administrante de notre Pays, qui se trouve dans l’incapacité de produire une législation pleinement applicable à la collectivité qu’il est sensé administrer.
Et il y a des précédents, hélas, dans plusieurs matières, notamment le Code monétaire et financier, le Code de procédure pénale, pour ne citer que ces deux exemples.
Bref, nous voterons défavorablement à cette saisine, le texte en objet méritant bien plus de considération à l’égard de notre Assemblée compte tenu du caractère politique et stratégique du sujet traité.
Je vous remercie.
Mme Éliane TEVAHITUA