INTERVENTION
- Question orale du Groupe Tavini Huiraatira
- à M. Édouard FRITCH, Président de la Polynésie française
- 2e Séance administrative du jeudi 14 mai 2020
- Objet : Mise en place d’un système d’assurance chômage en Polynésie
Monsieur le Président, cher Édouard,
Les forces vives de notre pays sont très inquiètes et tirent la sonnette d’alarme.
Les syndicats, les représentants des employeurs, le tissu associatif polynésien et les membres de la société civile sont unanimes face à la catastrophe économique et sociale post-Covid qui va toucher de plein fouet toutes les composantes de notre société.
Je pense en particulier aux salariés du secteur du tourisme, de la restauration, du transport aérien, mais également à l’ensemble des opérateurs économiques qui sont d’ores et déjà ou seront affectés dans les mois à venir par ce choc exogène.
Ce choc exogène, vous le savez, ne se résorbera pas d’un coup de baguette magique et va continuer à produire ses effets délétères sur l’emploi et la consommation des ménages polynésiens.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que notre pays ne dispose pas à ce jour d’amortisseurs sociaux efficients et pérennes susceptibles d’absorber les conséquences de ce choc 11 faut rappeler les résultats de l’enquête sur l’emploi réalisée par l’TSPF en 2018.
Dans notre pays, seulement la moitié de notre population en âge de travailler a un emploi.
Près de la moitié des Polynésiens étaient déjà sans emploi avant le Covid.
Parmi ceux qui ont encore un emploi, 12 000 environ sont des salariés précaires et risquent d’être les premières victimes de la crise qui s’annonce, de même que les salariés actuellement en CDI.
Le revenu exceptionnel de solidarité que votre gouvernement a décidé d’octroyer pour une durée limitée de deux mois aux salariés et aux travailleurs indépendants est une réponse ponctuelle et sporadique à un problème structurel. Il ne suffira pas.
La loi du pays du 4 mai 2011 relative à la codification du droit du travail dispose que « Les travailleurs ayant involontairement perdu leur emploi, aptes au travail, et qui sont à la recherche d’un emploi ont droit à une aide. »
Le cadre réglementaire existe, il reste à fixer les conditions de financement de cette indemnité.
Cette situation exceptionnelle que nous traversons appelle des mesures exceptionnelles de la part du gouvernement et vous demande de faire preuve d’audace et de courage politiques.
Monsieur le Président, aurez-vous le courage et l’audace, au nom de la justice sociale et de la solidarité envers les salariés polynésiens, fragilisés par la perte de leur emploi, de mettre en place un système d’assurance chômage ?
Outre un financement par des cotisations sociales, le groupe Tavini Huiraatira vous propose d’aller chercher l’argent là où il se trouve.
Exigez de l’État, Monsieur le Président, le doublement de la dette nucléaire de 18 milliards F CFP à 36 milliards F CFP, que la France nous doit et que ses présidents successifs se sont engagés à payer perpétuellement, à l’heure où les autorités de l’État s’affairent à revisiter les conditions d’indemnisation des victimes du nucléaire au détriment de celles-ci.
L’État doit payer pour tout le mal qu’il a fait à notre peuple avec ses 193 expérimentations nucléaires. Qui casse quelque chose en paie les dégâts !
Ayez le courage de mettre en place un impôt sur la fortune qui viendra taxer l’ensemble des revenus des plus riches et des salaires les plus élevés — et je nous mets, nous, les élus de l’assemblée et les membres du gouvernement dans cette catégorie —, ces salaires élevés qui se sont édifiés grâce aux polynésiens les plus modestes.
Enfin, ayez l’audace de taxer les transferts monétaires qui sortent de notre pays et encourager nos investisseurs locaux à faire preuve de patriotisme économique.
Je pense aux achats de villas en France, à Las Vegas, en Thaïlande ou en Nouvelle-Zélande, etc.
Il faut taxer cet argent qui sort de notre pays.
Mme Éliane TEVAHITUA,Madame la représentante, chère Éliane,
Si vous le voulez bien, je vais répondre à cette question au titre du travail et de l’emploi.
Alors oui, Madame Tevahitua, notre pays subit une crise majeure, une « crise exogène » comme le dites, une crise sanitaire que nous n’avons pas voulue et surtout une crise sanitaire que nous n’attendions pas et, c’est vrai, que comme jamais nous avons connu due à cette pandémie de Covid-19 qui frappe, vous le savez, le monde entier.
Je vous rappelle que, pour protéger notre population, nos îles, nous avons pris la décision de confinement de la population, c’était le 21 mars dernier, et nous avons décidé de fermer nos frontières.
Cette décision, et vous avez raison de le souligner, soutenue par la société civile, soutenue par les partenaires sociaux, a été la bonne décision car, moins de deux mois après, nous pouvons affirmer que le virus ne circule plus dans notre pays, et ça c’est une victoire.
Nous savions, en prenant cette décision que le confinement allait avoir des répercussions majeures pour de nombreuses entreprises, de nombreux salariés et travailleurs indépendants empêchés d’exercer leurs activités professionnelles avec pour conséquences la perte de revenus pour nombre d’entre eux.
C’est la raison pour laquelle, en toute urgence nous avons élaboré le Plan de sauvegarde de l’économie polynésienne et l’édifice de solidarité que nous avons présenté au lendemain de la décision de confinement.
La mobilisation massive des moyens financiers du Pays a permis au gouvernement de prendre toutes les mesures urgentes et nécessaires en matière de santé publique, de préservation des emplois et des entreprises, mais également de renforcement des ressources dédiées à la solidarité afin d’accompagner nos populations les plus fragiles, en sachant que nous ne savions pas combien de temps le Confinement allait durer, celui-ci étant liée à l’évolution de l’épidémie.
À cette occasion, je voudrais remercier l’ensemble de la représentation territoriale pour son soutien quasi unanime à ces mesures qui étaient et sont encore nécessaires.
C’est avec cette organisation montée en toute urgence que nous avons pu être au rendez-vous des attentes de nombreux Polynésiens ici à Tahiti mais également dans les archipels.
Ainsi, Madame la représentante, depuis lè 20 mars, ce sont plus de 15 000 personnes, Polynésiens, salariés et entrepreneurs indépendants, qui ont pu bénéficier de l’aide du Pays que notre représentation territoriale a soutenue pour un montant de plus de 1,5 milliard, cela uniquement sur le premier mois.
Par ailleurs, vous le savez, pour favoriser les conditions de la reprise de l’activité économique post-confinement de notre pays, nous avons créé des dispositifs dont il nous reste à prendre les arrêtés d’application, et nous avons eu l’occasion de consulter les partenaires sociaux et de les rencontrer pas plus tard que mardi dernier.
Je vous les rappelle, il s’agit du Dièse, destiné à soutenir les entreprises qui auront réduit temporairement leur activité par une aide financière, permettant de compenser la perte de salaire des salariés impactés par la baisse du temps de travail et du Déséti, en faveur des entrepreneurs indépendants.
Le Président l’a rappelé mardi aux partenaires sociaux, consultés sur ces dispositifs : en l’état actuel de la situation, ces dispositifs ont été pensés pour soutenir les secteurs prioritaires dont ceux du tourisme, de l’aérien domestique, international, de la perliculture pour ne citer qu’eux, fortement impactés par la crise que nous traversons.
Et c’est vrai que, pour le moment, nous sommes sur une durée de vie de quelques mois parce que nous faisons avec la trésorerie dont nous disposons. Certaines organisations patronales nous demandent un dispositif de sauvegarde des emplois pour les entreprises amenées à ne pas reprendre leur activité, et c’est ce dont nous parlons.
Nous l’entendons, mais financer 100 % de l’inactivité serait une caisse de chômage, sans recette dédiée mais totalement à la charge du Pays. Aux interrogations du Président sur cette question importante qui est importante et qui est un sujet sociétal, nous n’avons pas eu de réponse formelle des partenaires sociaux.
Notre Pays, vous le soulignez, va rentrer dans une crise sans précédent qui, oui, aura des conséquences avec la disparition de nombreux emplois, notamment dans le secteur du tourisme. Madame la Représentante, vous nous interrogez sur là mise en place d’une caisse assurance chômage en Polynésie Française.
Je vous le redis, il s’agit d’un sujet important, d’un sujet sociétal qui concerne, pas uniquement les secteurs prioritaires, mais l’ensemble des secteurs de notre économie et tous les salariés qui se verraient priver de leur emploi contre leur volonté.
Bien entendu, dans le contexte qui est celui que traverse notre pays, nous y sommes favorables ; mais il faut que les partenaires sociaux y adhérent également car les financements nécessaires pour alimenter une assurance chômage doivent être partagés et le Pays apportera sa contribution, les partenaires sociaux doivent apporter leur contribution.
Et, oui, vous avez parlé de la solidarité nationale, nous ne faisons que ça depuis deux mois. Nous sommes dans l’échange et nous privilégions cet échange avec l’Etat en sachant que ceux qui viennent nous expliquer aujourd’hui qu’il faut emprunter massivement, eh bien ce n’est pas en tout cas la priorité que s’est fixée notre Pays.
On le redit, emprunter pour investir oui, mais emprunter pour financer la trésorerie du Pays dans un contexte de crise exogène, eh bien oui nous en appelons à la solidarité de l’État.
Donc, oui Madame, notre gouvernement est prêt à engager les travaux avec les partenaires sociaux sur ce chantier important.
Et je voudrais conclure sur votre propos introductif lorsque vous dites que les partenaires sociaux, la société civile tirent la sonnette d’alarme, j’espère que vous n’entendez pas que nous n’avons pas pris conscience de la crise majeure que touche notre pays.
Nous savons qu’elle sera longue, qu’elle est majeure. J’espère que vous voyez que notre gouvernement, nous sommes mobilisés, nos équipes sont au charbon depuis deux mois et continuent à l’être ; donc nous avons plus que conscience de cette situation.
Comptez sur nous et nous espérons pouvoir compter sur vous pour continuer à être force de proposition.
Mme Nicole Bouteau