INTERVENTION
- Question orale du Groupe Tavini Huiraatira
- à M. Édouard FRITCH, Président de la Polynésie française
- 2e Séance budgétaire du jeudi 24 septembre 2020
- Objet : Évolution démographique de la population polynésienne à l’horizon 2030
Monsieur le Président, ia ora na
Le directeur de l’I.S.P.f. a récemment publié une étude prospective consacrée à la population polynésienne à l’horizon 20301, laquelle met en exergue les tendances démographiques de fond qui devraient structurer notre société dans les prochaines années.
Deux éléments factuels, me semble-t-il, méritent d’être expurgés de cette analyse : .Le premier concerne le vieillissement croissant de notre population qui devrait compter en 2030, 56 800 personnes âgées de plus de 60 ans sur une population totale estimée à 284 000 habitants2; .Le deuxième concerne la dégradation des rapports de dépendance entre « les seniors » en augmentation, et la classe d’âge des 15-59 ans en stagnation.
Je ne reviendrais par sur cette approche binaire réductrice qui consiste à opposer entre elles des classes d’âge amenées à vivre ensemble dans notre société. En revanche, un élément d’information contenu dans ce rapport m’a profondément choquée.
En substance, voici ce que nous propose le directeur expatrié de l’ISPF afin de rétablir les déséquilibres de la pyramide des âges dans notre pays : « pour limiter cette augmentation du rapport de dépendance, l ‘immigration devra être très importante (…) si l’on souhaite conserver un rapport de dépendance stable entre les 15-59 ans et les 60 ans et plus, il faudrait atteindre 102 000 personnes supplémentaires âgées de 15 et 59 ans en 2030, soit 8 500 par an ».
Il propose ainsi de recourir à une immigration massive, c’est-à-dire un afflux de 8 500 nouveaux expatriés chaque année jusqu’en 2030, ce qui porterait au total à 102 000 le nombre d’immigrants – c’est-à-dire d’étrangers – ayant vocation à s’installer dans notre pays pour y trouver un emploi, un logement pour la décennie à venir.
Ceux-ci représenteraient in fine 35 % de la population polynésienne. À titre de comparaison, cela revient à prôner en France métropolitaine l’immigration de 25 000 000 d’étrangers sur une décennie, en surcroît des 70 000 000 de nationaux estimés en 2030.
Monsieur le Président,
Cautionnez-vous cette propagande néocolonialiste émanant de l’ISPF, un établissement public, visant à faire de notre pays une colonie de peuplement à l’instar d’un certain premier ministre MESSMER qui en 1972 écrivait ceci :
« La Nouvelle Calédonie est une colonie de peuplement où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants,… où l’immigration massive de citoyens français devrait permettre d’éviter le danger de la revendication nationaliste de populations autochtones » ?
Souscrivez-vous aux injonctions de cette politique d’immigration néocolonialiste lorsque nous constatons chaque jour que nos enfants, vos enfants, qui ont pourtant fait des études supérieures ne trouvent pas d’emploi dans leur propre pays, que de nombreux polynésiens sont obligés de vivre à l’étranger ou de s’enrôler dans les armées pour subvenir à leurs besoins ?
Mme Éliane TEVAHITUA