INTERVENTION
- Question orale du Groupe Tavini Huiraatira
- à M. Édouard FRITCH, Président de la Polynésie française
- 4e Séance plénière de la session budgétaire du 6 juin 2019
- Objet : Rejet automatique des demandes d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français
Monsieur le Président de la Polynésie française, ici représenté par ses ministres,
A la faveur de la séance du 15 novembre 2018, vous aviez fait contrition en confessant publiquement devant l’ensemble des Polynésiens ce que le Tavini Huiraatira savait déjà sur la nocivité des essais nucléaires français.
Monsieur le Président, vous aviez déclaré être un menteur. Je n’ai qu’à citer vos propos pour m’en convaincre : « Je ne m’étonne pas, disiez-vous, que l’on me traite moi de menteur, alors que pendant 30 ans nous avons menti à cette population que les essais étaient propres ».
Vous avez confessé, dans cet acte d’ultime contrition, avoir « fait partie de cette bande » qui porte la responsabilité d’« avoir vendu » notre pays.
Suite à vos aveux publics, les victimes polynésiennes des essais nucléaires ont cru trouver en vous un interlocuteur privilégié qui facilitera leurs démarches d’indemnisation auprès du CIVEN.
Et ce d’autant que depuis février 2017, la loi Morin a été expurgée de la notion de « risque négligeable ».
Elle avait ouvert la voie à « une automaticité des réparations financières » et avait ainsi permis à l’Association 193 de constituer et d’adresser 104 dossiers au CIVEN au cours de l’année 2018, dont 82 ont été déclarés complets.
Surtout elle laissait entrevoir une lueur d’espoir aux 9 507 malades polynésiens atteints de cancers potentiellement radio-induits recensés par la CPS de prétendre à une indemnisation de l’Etat.
Suite à vos aveux publics, on ne peut douter de l’émoi et des réactions vives que vos propos ont provoquées auprès de l’État.
Est-ce à ces réactions vives que nous devons le 30 novembre 2018 le dépôt subreptice à l’insu des Polynésiens d’un amendement au projet de loi de finances pour 2019 par la sénatrice Lana Tetuanui afin de modifier fondamentalement la loi Morin ?
Cet amendement scélérat adopté le 28 décembre 2018 empêche désormais l’indemnisation des victimes dès lors que le CIVEN a établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants reçue est inférieure à un milliSievert.
Le CIVEN se fonde exclusivement sur le tableau dosimétrique de l’IRSN, un ÉPIC placé sous la tutelle du ministre de la Défense, qui, comme par hasard, ne trouve en Polynésie que des niveaux de radioactivité en deçà de 1 milliSievert après 1974.
Croyez-vous sincèrement qu’un pays comme le nôtre, qui a reçu l’équivalent de 800 fois la bombe d’Hiroshima, puisse présenter des niveaux dosimétriques similaires à ceux d’un pays préservé de toute expérimentation nucléaire tel que la France ?
Les effets de ces nouvelles dispositions portées à la loi Morin sont d’ores et déjà visibles depuis le 21 mai et pas plus tard que le 4 juin avec le rejet par le Tribunal administratif de Papeete de 10 dossiers sur 12.
Contrairement à ce qu’affirme votre organe de presse, le nombre de dossiers retenus par le CIVEN n’a pas été démultiplié par rapport au passé depuis l’adoption de cet amendement.
Et enfin, je ne peux me résoudre à croire que l’auteure de cet amendement ait pris seule l’initiative et la lourde responsabilité de le déposer sans vous en référer au préalable et recueillir votre assentiment.
Par conséquent, Monsieur le Président, après votre confession publique du 15 novembre 2018 où vous reconnaissiez avoir menti sciemment aux Polynésiens pendant 30 ans, ne venez-vous pas de commettre un second mensonge vis-à-vis de notre peuple, en cautionnant cet amendement qui exonérera l’État de toute indemnisation friture à l’égard des victimes, de leurs ayants-droit, de leurs descendances, alors que les effets délétères transgénérationnels des rayonnements ionisants sont scientifiquement établis de longue date ?
Je vous remercie.
Mme Éliane TEVAHITUA
Madame la représentante,
Vous avez raison à la fin de votre propos de citer les Évangiles.
Elles sont toujours inspirantes, mais vous n’en mesurez sans doute pas la portée dans la teneur de vos propos.
Pour citer aussi les Évangiles, je vous dirai : « Oui fait la vérité vient à la lumière et se libère » (Jean 3:21 et 8 : 32).
Une autre parabole s’impose à l’esprit en vous écoutant, je cite : « Qu ‘as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? » (Mathieu 7 : 3-5).
Madame, il n’y a aucune question dans votre diatribe.
Il ne devrait donc y avoir aucune réponse.
Il n’y a qu’attaques personnelles, gratuites et malveillantes.
Je suis étonné d’ailleurs, Monsieur le président, que l’on puisse admettre ces propos dans cette enceinte où les invectives sont proscrites par le règlement intérieur.
Est-ce digne, Madame du mandat que vous portez ?
Je veux attirer votre attention sur un point : ne seriez-vous pas vous-même coupable de mensonge par omission en oubliant de dire aux Polynésiens que le député Moetai Brotherson, votre collègue sur les bancs de cette assemblée, était lui aussi membre de la commission EROM présidée par la sénatrice Lana Tetuanui ?
De ce fait, Monsieur Brotherson est co-auteur du rapport remis par cette commission EROM au Premier Ministre le 20 novembre 2018.
Chacun pourra constater qu’il n’a notifié aucune réserve sur les recommandations faites collégialement par la commission et dûment exposées et argumentées dans ce rapport.
Mérite-t-il donc vos insultes ?
Je ne vais pas relever et corriger une à une chacune de vos erreurs.
Je perdrais mon temps et mon énergie.
Car il est patent que vous n’avez que faire de la réalité des faits objectifs et vérifiables.
Ce qui vous intéresse, vous et ceux qui véhiculent les mêmes inepties, c’est la polémique oiseuse et le fiel de la calomnie.
Ce faisant, vous ne faites absolument pas avancer la cause de ceux que vous prétendez défendre, les victimes des essais nucléaires.
Ce n’est pas en injuriant le Président de la Polynésie française que ces victimes obtiendront gain de cause.
Croyez-vous que cela peut contribuer à panser les chairs meurtries ?
D’ailleurs, vous-même, qu’avez-vous fait? Rien ! Vous n’avez rien fait. Vous n’avez rien à proposer de constructif pour nous sortir de cet empoisonnement collectif du fait nucléaire.
Et cela, les Polynésiens le voient de plus en plus et de mieux en mieux.
Vous utilisez cette cause dramatique, non pas pour servir le bien commun, mais comme d’un fonds de commerce qui finit par s’épuiser et se corrompre.
Je vous le demande solennellement.
Madame la représentante, à vous, ainsi qu’à tous ceux qui vous singent dans ces postures délétères : arrêtez vos niaiseries nuisibles.
Nous méritons tous mieux que cela.
Les victimes méritent mieux que vos propos nauséabonds. Vive les Polynésiens, tous ensemble pour la vérité, la justice et la paix !
M. Jean-Christophe Bouissou