INTERVENTION
- Question écrite adressée à M. le président de la Polynésie française
- Objet : Prise en charge des patients bénéficiant d’une évacuation sanitaire en France métropolitaine
- Réf. : Rapport de la mission d’information relative à l’accueil et la prise en charge des patients bénéficiant d’une évacuation sanitaire en France et en Nouvelle-Zélande et de leurs accompagnateurs – 2018
DOCUMENTS
Monsieur le Président,
En dépit du principe de précaution, de l’opposition des syndicats et de l’inquiétude légitime de notre population devant les risques de dissémination de la COVID-19 en Polynésie, vous avez fait le choix d’autoriser la venue dans notre territoire d’une cohorte de 1743 fonctionnaires d’État et de leurs familles accompagnatrices, ce qui porterait à trois mille environ le nombre de nouveaux arrivants, gendarmes, militaires et enseignants ayant vocation à séjourner dans notre pays.
Ce choix dont il vous appartiendra d’assumer l’entière responsabilité en cas d’importation et de dissémination du coronavirus dans notre pays, s’est appuyé sur le dispositif dit de continuité territoriale visant à acheminer par voie aérienne qui pêle-mêle des fonctionnaires d’État, des malades bénéficiant d’une évacuation sanitaire et des résidents polynésiens bloqués en France métropolitaine.
J’ai récemment été interpellée par des malades ayant bénéficié d’une évacuation sanitaire en France qui ont été confrontés sur place à des informations souvent contradictoires émanant des responsables de la Caisse de Prévoyance Sociale à Paris, de la délégation de la Polynésie lorsqu’il s’est agi d’obtenir des dates, horaires et modalités de prise en charge claires des patients dans le cadre du dispositif de continuité territoriale pourtant supervisé par le Pays.
Ainsi, ces mêmes patients pourtant gravement malades ont déploré l’absence de prise en charge à leur départ de l’aéroport Paris Charles de Gaulle à destination de Tahiti ; les représentants de la CPS et de la délégation qui auraient pu faciliter leur enregistrement, leur apporter le soutien psychologique et moral que nos concitoyens sont légitimement en droit d’attendre, étant aux abonnés absents.
Cette situation préjudiciable à nos malades « évasanés » met en exergue les faiblesses qui ont déjà été identifiées par les rapporteurs de la mission d’information parlementaire relative à l’accueil et à la prise en charge des patients bénéficiant d’une évacuation sanitaire en France et en Nouvelle-Zélande et de leurs accompagnateurs.
Le rapport qui en a résulté a ainsi pointé du doigt les lacunes dans la « prise en charge psychologique, humaine et sociale des malades « évasanés ».
Ladite mission d’information a par ailleurs préconisé dans son rapport de 2018 la mise en œuvre des recommandations suivantes :
1. Regrouper physiquement tous les acteurs de la CPS intervenant dans le processus des évacuations sanitaires internationales et veiller à une parfaite coordination de l’ensemble des activités ad hoc ;
2. Conduire une étude médico-économique prospective sur l’évolution des pratiques chirurgicales envisageables en Polynésie française ;
3. Veiller en cours d’« évasan » à bien suivre l’évolution de la situation psychosociale du patient afin d’évaluer au mieux la nécessité d’un accompagnant agréé ;
4. Réaliser une étude médico-économique pour analyser d’une part l’opportunité de doter l’offre de soins locale d’un PET SCAN et d’autre part, évaluer la pertinence de son éventuelle location avec option d’achat permettant, le cas échéant, de s’adapter aux évolutions technologiques futures ;
5. Informer les ressortissants de la Sécurité sociale de la non prise en charge par la CPS de certaines dépenses et les sensibiliser sur le bénéfice de souscrire si possible à une mutuelle complémentaire ;
6. Intensifier les missions d’experts médicaux sur le territoire ;
7. Institutionnaliser à la CPS un principe efficace de décision collégiale sauf pour les cas d’urgence ;
8. Établir des conventions partenariales entre le CHPF et les établissements de soins en France et en Nouvelle Zélande afin de permettre prioritairement la mise en place de la chirurgie cardiaque extracorporelle programmée en Polynésie française ;
9. Mutualiser les compétences et les moyens entre les secteurs médicaux public et privé de Polynésie française pour favoriser ainsi leur complémentarité ;
10. Établir une convention entre la Caisse de prévoyance sociale et la Délégation de la Polynésie française pour articuler leur coopération ;
11. Officialiser des conventions d’objectifs et de moyens pluriannuelles entre la Caisse de prévoyance sociale et les associations, tant avant le départ de Polynésie française que sur place ;
12. Prévoir des formations au bénéfice des associations de visites aux malades pour améliorer leurs capacités d’accompagnement psychosocial ;
13. Fournir un « kit de départ » aux personnes les moins autonomes ;
14. Réévaluer, le cas échéant, l’indemnité de séjour ; y intégrer une nouvelle compensation permettant la souscription d’un abonnement téléphonique avec internet mobile ;
15. Renforcer humainement l’antenne CPS de Paris par des compétences professionnelles en matière d’accompagnement psychosocial (assistant social et psychologue) et en personnel spécifiquement dédié aux visites ;
16. Mettre en place un outil de contrôle interne à la CPS pour optimiser le remboursement des frais avancés par les bénéficiaires (patients et accompagnateurs agréés) au titre des indemnités de séjour et simplifier la procédure ad hoc ;
17. Assurer au niveau de la CPS une entrevue systématique des personnes concernées les informant des conditions pratiques de déroulement du séjour, ceci préalablement à leur rencontre éventuelle avec le service social de la Caisse ;
18. Prévoir une consultation par un psychologue au bénéfice du patient et accompagnateur agréé avant le départ pour identifier, en amont, d’éventuels risques de rupture psychosociale ;
19. Poursuivre au maximum le regroupement des évacuations sanitaires dans la région île de France en formalisant des conventions inter-établissements pour sécuriser les partenariats ;
20. Modifier le code du travail polynésien pour prévoir le don de congés, le maintien des droits sociaux et le droit à la suspension du contrat de travail des accompagnateurs familiaux, sous conditions ;
21. Réaliser une étude technico-économique sur la faisabilité de la mise en place d’une indemnité congé parental ;
22. Réaliser une étude médico-économique approfondie visant l’élargissement des conditions d’octroi d’un accompagnateur agréé ;
23. Réactualiser et compléter les guides relatifs aux évacuations sanitaires en France et en Nouvelle-Zélande, les traduire en tahitien et prévoir leur dématérialisation ;
24. Doter le guichet unique d’information de la CPS d’un recueil des aides sociales disponibles et des modalités d’obtention, le remettre aux Polynésiens concernés et en faire la publicité ;
25. Rendre opérationnel et partageable le dossier médical individuel informatisé ;
26. Éclairer la réflexion prospective en matière d’évacuation sanitaire internationale à l’aune de la révolution technologique médicale en cours ;
27. Établir un planning commun sectorisé et partagé de visites des Polynésiens en centres de soins ou d’hébergement (une visite systématique le lendemain de l’arrivée, si souhaitée) ;
28. Réactiver rapidement le comité d’évaluation des évacuations sanitaires internationales et y intégrer une représentation associative locale dynamique.
Ces constats appellent de ma part les questions suivantes :
Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer la prise en charge des patients « évasanés » dans le cadre du dispositif de continuité territoriale en particulier auprès de la CPS et de la délégation ?
Qu’est-il advenu de la mise en œuvre de chacune des recommandations de la mission d’information parlementaire relative à la prise en charge des malades polynésiens bénéficiant des évacuations sanitaires ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée. Mauruuru.
Mme Éliane TEVAHITUA