INTERVENTION
- Question écrite adressée à M. le président de la Polynésie française
- Objet : Produits de première nécessité (PPN)
DOCUMENTS
Monsieur le Président, ia ora na
Par arrêté n° 225 CM du 15 février 2019, votre gouvernement procédait à la suppression « des fruits et légumes frais, entiers, non épluchés » de la liste des produits de première nécessité.
Cette décision a bien évidemment eu pour effet mécanique d’entraîner une inflation des prix des fruits et légumes d’ores et déjà insuffisamment consommés par les familles polynésiennes (+ 54 % d’augmentation du prix du pota, + 50 % d’augmentation du prix des concombres, + 33 % d’augmentation du prix des carottes, + 23 % d’augmentation du prix des tomates, etc).
En effet, comme le précise, l’Institut de la statistique de la Polynésie française dans son étude sur le comportement alimentaire des polynésiens, en particulier les plus modestes, « la consommation de fibres alimentaires est insuffisante pour induire un effet bénéfique à la réduction du risque pour les maladies chroniques telles que le diabète de type 2 ».
En d’autres termes, les ménages les plus modestes qui consomment déjà trop de sucre et trop de gras ne consomment pas suffisamment de fibres alimentaires principalement contenues dans les fruits et légumes ; ces même fruits et légumes dont les prix ont augmenté à tel point qu’ils risquent de dissuader les ménages polynésiens les plus modestes d’en consommer.
En réaction à l’avis 2019-A 01du 2 avril 2019 de l’autorité polynésienne de la concurrence relatif aux effets de la règlementation sur le fonctionnement concurrentiel des produits de première nécessité, vous n’aviez pas hésité de manière lapidaire à fustiger « un avis pris par une élite déconnectée des réalités sociales du Pays » (communiqué de presse du bureau de la communication du 3 avril 2019 intitulé Non à la déréglementation des PPN).
Monsieur le Président, ne pensez-vous pas que l’augmentation dissuasive du prix des fruits et légumes consécutive à leur retrait de la liste des PPN témoignerait plutôt d’une décision déconnectée de la réalité quotidienne des polynésiens les plus modestes ?
Comment pourrez-vous expliquer aux polynésiens que votre gouvernement n’hésite pas à renflouer les comptes de la SA KAI HOTU RAU à hauteur de 71 000 000 XPF alors que dans le même temps les mêmes fruits et légumes sont retirés de la liste des PPN ?
De la même manière, comment expliquer à nos concitoyens que le gouvernement retire le « punu pua’a toro » de la liste des PPN tout en accordant le bénéfice d’une exonération fiscale à la conserverie du Pacifique (COPA), spécialisée dans la fabrication dudit « punu pua’a toro » ?
Par ailleurs, il n’aura pas échappé à votre sagacité que l’autorité polynésienne de la concurrence a dans son rapport proposé deux voies de réforme de la réglementation relative aux PPN :
1. une première consistant à supprimer la règlementation permanente sur le PPN ; option que vous avez évincée ;
2. une réforme médiane consistant à maintenir la règlementation sur les PPN moyennant des aménagements légitimes ;
voie médiane à laquelle vous n’avez semble-t-il pas encore donné de suite :
1. Définir l’intérêt général poursuivi par la règlementation sur les PPN par les autorités compétentes, en particulier afin de pouvoir s’assurer que les restrictions de concurrence induites sont justifiées, adaptées et proportionnées et prévoir les règles de fixation des prix dans une loi du pays ;
2. Fixer par arrêté pris en conseil des ministres la liste des PPN et les règles d’application de la fixation des prix pour permettre une adéquation rapide avec les circonstances et les besoins de la population ;
3. Réduire la liste des produits concernés à quelques produits alimentaires et non alimentaires de base sur le fondement d’une approche sanitaire des besoins de la population, dans le respect de la protection de l’environnement ;
4. Réaliser une étude socio-économique afin d’évaluer l’opportunité d’inclure dans la liste des PPN d’autres produits surgelés ;
5. Supprimer la distinction entre produits locaux et produits importés dans l’établissement de la liste des PPN et supprimer les restrictions quantitatives à l’importation pour les produits importés concernés. Supprimer la TDL pour les PPN, a minima pour ceux dont l’intensité concurrentielle est insuffisante et la remplacer par des mesures favorisant la baisse des coûts de fabrication des produits locaux ;
6. Fixer un prix de vente plafond pour les quelques produits classés PPN, en lieu et place d’un taux de marge maximal. La mesure est applicable pour les produits d’origine locale et peut ne pas être immédiate pour les produits importés ;
7. Ajuster proportionnellement à la taille ou au poids des contenants les prix réglementés des PPN ;
8. Outre la prise en charge du fret, étendre les possibilités de transport maritime des PPN par la flottille administrative aux îles insuffisamment desservies par les armateurs privés ;
9. Renforcer les contrôles et le signalement des infractions sans modifier les sanctions encourues ;
10. Mettre en place des procédures facilitant le contrôle des prix en s’appuyant sur les consommateurs, notamment pour les îles éloignées ;
11. Supprimer le régime spécifique de la farine ;
12. Maintenir l’observatoire des prix et sa diffusion ;
13. Obliger les armateurs à vendre à l’aventure un échantillonnage significatif de PPN, sous peine de sanction.
Ces recommandations appellent de ma part les questions suivantes :
1) A supposer qu’il existât, quel est l’intérêt général poursuivi par votre gouvernement quant à la règlementation sur les PPN ?
2) Quel sort comptez-vous réserver à chacune des treize (13) recommandations, pourtant légitimes et de bon aloi, de l’autorité polynésienne de la concurrence ?
Dans l’attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée. Mauruuru.
Mme Éliane TEVAHITUA