INTERVENTION
- Question écrite adressée à M. le Ministre de la santé
- Objet : Taux de sucre dans les produits alimentaires et particulièrement les sodas
DOCUMENTS
Monsieur le ministre de la santé, Ia ora na,
Dans une étude récemment publiée dans la revue médicale britannique The Lancet, 641.000.000 d’adultes, soit 13 % de la population mondiale adulte, seraient obèses dans le monde en 2014 alors qu’en 1975, ils n’étaient que 105.000.000. Si la progression de l’obésité se poursuit au même rythme,1/5ede l’humanité sera obèse en 2025. Cette épidémie d’obésité trouve son origine dans « la mondialisation des mauvaises habitudes alimentaires qui risquent d’être difficiles à combattre à cause des lobbies agro-alimentaires ». L’étude décerne le record des pays sévèrement touchés « à la Polynésie et à la Micronésie, des îles du Pacifique où 38 % des hommes et la moitié des femmes adultes sont obèses ».
En adéquation avec ce rapport sanitaire mondial, la prévalence du surpoids est estimée en 1995 dans notre Pays à 71 % dans la population générale dont 37 % sont au stade de l’obésité. En 2009, la prévalence de l’obésité chez les 16 ans et plus est de l’ordre de 39 % et celle du surpoids de 30 % ; ce qui signifie que plus des deux tiers de la population polynésienne âgé de plus de 15 ans sont en excès pondéral patent.
Mais les jeunes enfants ne sont pas épargnés puisqu’une étude réalisée au cours de l’année scolaire
2007-2008 met en évidence « des prévalences élevées de l’excès de poids (stade de l’obésité inclus) quelle que soit la tranche d’âge et le sexe : 21,6 % à 6-7 ans… 37,0 % à 10-11ans… 37,9 % à 14-15ans » ; ces taux infantiles sont largement supérieurs à ceux observés en France (page 45 du SOS 2016-2020).
Quant au diabète qui affecte opportunément les personnes en surpoids, c’est également une réalité sanitaire préoccupante. La CPS a recensé en 2012, 7 400 patients diabétiques dont 94 % ont 40 ans et plus. Près de 2 300 diabétiques dépendent d’un traitement quotidien par l’insuline (type 1) pour leu survie et 5 300 présentent un diabète non insulino-dépendant (type 2).
Le nombre de diabétiques a été multiplié par deux sur la dernière décennie. Avec un taux de 18,85 %, c’est la 2e longue maladie après l’hypertension artérielle (qui est elle-même souvent complication du surpoids et de l’obésité) et elle coûte hors complications près de 2.000.000 000 XPF, indique la CPS.
L’obésité, le diabète avec leurs complications hypertensives, cardiovasculaires et rénales demeurent incontestablement les principaux fournisseurs de patients en longue maladie. Ces derniers étaient 36 799 fin 2014 (soit 13,6 % de la population) contre 5 836 patients en 1994, qui consomment à eux seuls 51 % des dépenses de l’assurance maladie c’est-à-dire 22 553.000 000 XPF.
Chaque année, le nombre de Polynésiens en longue maladie augmente de 3 000 nouveaux dossiers. Le développement inquiétant des pathologies de surcharge identifié comme un enjeu majeur des Orientations stratégiques 2016-2024 et du Schéma d’Organisation Sanitaire 2016-2020, démontre l’échec relatif des politiques sanitaires menées jusqu’ici.
Suite à ce diagnostic alarmant, votre gouvernement s’est donné pour objectif de « Centrer la politique sur la prévention et la promotion de la santé » (Axe stratégique 3 des orientations stratégiques 2016-2024) en s’engageant « en priorité dans la réduction du surpoids et de la prévalence des maladies évitables » et en agissant sur les principaux déterminants que sont l’alimentation, la nutrition inadaptée et le manque d’exercice physique ». En renfort de ces recommandations, l’Axe 4 du SOS 2016-2020 inscrit la lutte contre le surpoids comme une priorité absolue et « une clause obligatoire de toute décision du Pays » (page 47).
Outre la prévision d’un financement garanti et sanctuarisé de la prévention, les leviers forts et efficaces que vous identifiez pour contrecarrer le développement du diabète et l’obésité, incluent « la législation, la fiscalité, le contrôle, les dispositifs incitatifs ou répressifs, la communication » qui viendront en soutien de l’action quotidienne sur le terrain des professionnels de santé (page 13 du document stratégique).
Au niveau de la France métropolitaine, des dispositions législatives ont été prises pour enrayer ces maladies de surcharge en Outre-mer, la loi no 2013-453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en Outre-mer connue sous l’appellation « Loi LUREL sur le sucre » a été votée par l’Assemblée Nationale puis par le Sénat, après moult péripéties à l’issue desquelles le texte initial a été rejeté en première lecture en 2011 par l’Assemblée Nationale (Faut-il y voir là un lobbying forcené des industriels de l’agroalimentaire auprès des parlementaires ?).
Son entrée en vigueur, 6 mois après sa publication au JORF le 4 juin 2013, a réduit les taux de sucre des produits manufacturés vendus dans les départements et régions d’Outre-mer de Guadeloupe, Guyane, Mayotte et La Réunion. SAUF EN POLYNÉSIE où l’esprit de la loi n’a jamais été repris dans un texte local depuis juin 2013.
Dans un rapport déposé antérieurement le 28 septembre 2011 à l’Assemblée Nationale, le député Victorin LUREL mettait en exergue la prévalence de l’obésité dans les collectivités ultramarines s’expliquant « par des processus discutables de l’industrie agroalimentaire » qui, par certaines pratiques, aggrave le problème de l’obésité dans les collectivités ultramarines.
Ainsi certains produits alimentaires vendus, comme les sodas ou les yaourts, présentent une
concentration en sucre ajouté nettement plus élevée – jusqu’à 30 % de taux de sucre en plus – que ceux produits et vendus en France métropolitaine ; sans que le consommateur en soit toujours informé car « l’étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires n’assure pas une information suffisante du consommateur ». De plus leurs délais de péremption sont plus étendus dans le temps.
Or, le rôle des sucres dans le développement de l’obésité et du diabète n’est plus à prouver ; une pléthore d’études scientifiques existe sur le sujet. De plus la consommation de produits sucrés dès le plus jeune âge renforce l’addiction au sucre et conditionne l’enfant à poursuivre à l’âge adulte.
Dans notre Pays, cette appétence aux sucres est savamment entretenue par les industriels des boissons sucrées ; un d’eux vient d’ailleurs de lancer un nouveau soda sucré qui a fait l’objet d’une médiatisation publicitaire sans égal.
Ces développements m’amènent Monsieur le ministre, à vous posez les questions suivantes :
Quels moyens financiers et humains supplémentaires allez-vous consacrer à partir de 2016 à la prévention de l’obésité et du diabète ?
Vous comptez utiliser certains leviers institutionnels pour contrecarrer la croissance vertigineuse de ces maladies de surcharge.
Par conséquent :
En matière législative, quand allez-vous présenter aux élus, une loi du pays réduisant le taux de sucre dans les produits manufacturés, particulièrement dans les sodas ? Quand retirerez-vous le sucre raffiné blanc de la liste des PPN ? En substitution comptez-vous y faire inscrire le sucre de coco à l’index glycémique bas ou le miel local ? De plus pour favoriser une alimentation saine et équilibrée et aider nos agriculteurs à développer leurs exploitations, pensez-vous rajouter les légumes et les fruits locaux dans cette liste des PPN ?
Interdirez-vous toute publicité faisant la promotion des sodas ou autres produits sucrés et favoriserez-vous plutôt les aliments sains ?
Au niveau fiscal, quelle fiscalité coercitive et pénalités prévoirez-vous sur les produits
alimentaires sucrés et à l’encontre des entreprises qui les fabriquent ?
A contrario quelle fiscalité incitative prévoirez-vous pour les entreprises fabriquant des
produits sains ? Envisagez-vous une labellisation de ces produits sains ?
En termes de contrôle, quelle sont les modalités que vous mettrez en œuvre pour vérifiez si les taux de sucre dans les produits alimentaires comme les sodas et les yaourts n’outrepassent pas les standards sanitaires communément admis ?
Quels autres dispositifs répressifs, mettrez-vous en place pour lutter efficacement contre
l’obésité et le diabète et notamment vis-à-vis des patients en longue maladie réfractaires à toute volonté de changer leurs habitudes alimentaires, leur mode de vie sédentaire et continuant à consommer des sodas et des produits alimentaires gras et sucrés en dépit de tout bon sens ?
En matière de communication à notre population quel plan prévoirez-vous de mettre en œuvre pour favoriser la bonne hygiène alimentaire et physique de nos concitoyens ?
De manière plus prosaïque, que ferez-vous concrètement après la validation législative du SOS ?
Je vous remercie du soin que vous prendrez à me répondre.
Faarii mai te tapa’o aroha e ia maita’i oe Faaterehau.
Mme Éliane TEVAHITUA