INTERVENTION
- Question écrite adressée à Monsieur Heremoana MAAMAATUAIAHUTAPU Ministre de la culture et de l’environnement, en charge de l’artisanat
- Objet : Restitution des œuvres du patrimoine polynésien dispersé dans les musées français et internationaux – inventaire raisonné du patrimoine polynésien dispersé.
- PJ 1 : Question orale adressée par le vice-président du groupe UPLD au ministre de la Culture, n° 6942 SG APF en date du 23 juin 2015.
- PJ 2 : Réponse du ministre de la Culture en séance plénière du 25 juin 2015.
DOCUMENTS
Monsieur le ministre,
« Je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France. Il y a des explications historiques à cela mais il n’y a pas de justification valable, durable et inconditionnelle, le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées européens. Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou, ce sera une de mes priorités. Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ».
C’est à la faveur d’un discours prononcé le 28 novembre 2017, devant les représentants des anciennes colonies françaises, que le Président de la République française a soulevé, au grand étonnement de son auditoire, un dernier sujet tabou, la reconnaissance par la France du pillage colonial infligé à l’ensemble du patrimoine culturel africain et l’aliénation culturelle des anciennes colonies françaises dépossédées de leur patrimoine ancestral. Cette annonce s’est traduite par la nomination de deux experts culturels dont la mission sera précisément d’étudier les conditions dans lesquelles ces œuvres pourront être rapatriées puis protégées dans leur pays d’origine ainsi que les évolutions nécessaires du cadre législatif français au regard des principes d’imprescriptibilité, d’inaliénabilité et d’insaisissabilité des œuvres « appartenant » au patrimoine français.
Déjà et de manière prémonitoire, le groupe UPLD à l’assemblée de Polynésie, vous interpellait dans le cadre d’une question orale en date du 25 juin 2015 au sujet de :
L’inventaire des œuvres majeures du patrimoine polynésien détenu dans les musées français et internationaux et sa transmission à la commission du tourisme et de la culture ;
Des démarches à mettre en œuvre afin de permettre la restitution de notre patrimoine culturel aujourd’hui détenu par les puissances coloniales.
Monsieur le ministre, trois années ce sont écoulées depuis cette question orale sans qu’aucun rapport d’étape ni aucune présentation sur l’état d’avancement de vos travaux n’aient pu être portés à la connaissance des représentants à l’assemblée ; ce qui est regrettable.
Elles auraient eu le mérite de faire savoir votre stratégie, vos objectifs et votre calendrier. Pour autant, je souhaiterais obtenir les réponses aux questions suivantes :
1. Dans quel délai comptez-vous instruire les représentants à l’assemblée de Polynésie de l’état d’avancement de cet inventaire du patrimoine polynésien dispersé et présenter un calendrier tangible de réalisation de cette mission ? À défaut d’obtenir une liste exhaustive peut-être conviendrait-il de s’inspirer de la démarche de nos frères kanaks en procédant à un inventaire raisonné du patrimoine polynésien dispersé (IPPD), consistant à inventorier non pas exhaustivement tous les objets de toutes les collections, mais à inventorier en priorité les objets les plus intéressants en fonction de leur provenance, de leur histoire, des circonstances de leur collecte, de leur valeur esthétique ou de leur état de conservation.
Nous disposons d’ores et déjà d’un annuaire des collections publiques françaises d’objets océaniens , du catalogue des collections des musées de France (JOCONDE) et de l’expérience féconde de MM. KASARHEROU , BOULAY BERTRAND ainsi que des stagiaires et collaborateurs calédoniens qui ont activement et à plein temps œuvrés à l’élaboration de l’Inventaire raisonné du Patrimoine Kanak Dispersé.
2. Dans quel délai et dans quelle mesure envisagez-vous de soumettre aux représentants à l’assemblée les moyens humains et budgétaires nécessaires à l’accomplissement de cette mission d’inventaire dans le cadre d’un prochain collectif budgétaire ou du budget 2019 ? À défaut d’avoir pu mettre en œuvre votre promesse non tenue de consacrer 1% du budget de notre Pays à la Culture, peut-être eut-il été judicieux d’associer l’État au financement nécessaire de cet inventaire dans le cadre d’une convention État-Pays.
3. Enfin, comptez-vous mettre à profit la venue du président de la République dans notre pays pour saisir officiellement ce dernier des conditions de restitution de notre patrimoine ?
Monsieur le Ministre de la culture, je forme le souhait que vous puissiez vous inspirer des démarches calédonienne et béninoise9 en saisissant cette opportunité pour que la Polynésie puisse enfin récupérer en toute légitimité les œuvres premières du patrimoine culturel du Peuple Maohi.
Puissent-elles rejoindre un jour leur patrie, celle qui les vit naître !
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de ma respectueuse considération.
Mme Éliane TEVAHITUA