INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapports n°- 80 et 81 2021 du 11/06/2021
- Lettres n° 3930/PR du 4 juin 2021 et n° 3946/PR du 7 juin 2021
- Temps de parole 10 mn
- Consigne de vote Favorable
DOCUMENTS
SIXIEME SÉANCE DE LA SESSION ADMINISTRATIVE DU 24 JUIN 2021
PROJETS DE LOI DU PAYS RELATIFS À LA CONTRACEPTION ET LA CONTRACEPTION D’URGENCE et À L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
Seul le prononcé fait foi
Chers collègues,
Depuis le 4 juillet 2001, il y a 20 ans, la loi (n° 2001-588 du 4 juillet 2001) relative à l’IVG et à la contraception rendait applicable certaines dispositions ayant trait à la contraception et à la contraception d’urgence en Polynésie.
Ainsi, la prescription, la délivrance ou l’administration de contraceptifs aux personnes mineures ne requiert plus le consentement parental ni du représentant légal. La délivrance aux mineures des contraceptifs d’urgence non soumis à prescription médicale obligatoire est gratuite dans les pharmacies.
À titre exceptionnel, les infirmiers scolaires du second degré peuvent en l’absence d’un médecin donner une contraception d’urgence à des élèves mineures et majeures.
Pour rappel, la contraception d’urgence fait appel à la contraception hormonale d’urgence plus communément appelée la pilule du lendemain ou à la pose d’un dispositif intra-utérin au cuivre. Si la pilule du lendemain permet de bloquer ou de retarder l’ovulation, le stérilet au cuivre empêche la fécondation ou l’implantation d’un ovule fécondé. Mais, cette contraception d’urgence est inefficace une fois que l’œuf fécondé a nidé dans l’utérus. C’est pourquoi son utilisation n’est possible que jusqu’à 3 à 5 jours suivant un rapport à risque.
Donc, à la suite de la loi du 4 juillet 2001, le décret n° 2003-1229 du 19 décembre 2003 relatif à la contraception d’urgence rend applicable en Polynésie la nécessité d’un entretien préalable à la délivrance aux mineures de produits contraceptifs d’urgence et le code de l’éducation prévoit également que les universités puissent délivrer la contraception d’urgence auprès des étudiantes qui en exprimeraient le besoin.
Mais ces avancées législatives au niveau métropolitain sont demeurées lettre morte en Polynésie à défaut de réglementation locale les mettant en oeuvre. C’est ce que vient enfin réparer au bout de 20 ans le projet de loi du pays relatif à la contraception et la contraception d’urgence qui permettra d’éviter le recours traumatisant à l’IVG notamment instrumentale. Mieux vaut tard que jamais, dirions-nous ! Mais ce retard aura causé des dégâtsAinsi, un tiers des jeunes filles, interrogées en 2016 dans le cadre de l’enquête sur le comportement de santé des jeunes scolarisés âgés de 13 à 17 ans, affirmait avoir déjà eu des rapports sexuels et que 3,5 % ont déclaré avoir été enceintes au moins une fois.
De 2011 à 2019, 1 naissance sur 10 survenait chez des mères de moins de 20 ans. Parmi elles, un tiers était mineurs dont 1 % avait moins de15 ans. Durant cette période de 9 années, 1100 bébés sont nés de mères mineures dont 37 de jeunes filles de moins de 15 ans. Ces grossesses adolescentes n’épargnent aucun archipel : 12 % des naissances des ISLV, 10 % aux IDV et aux Tuamotu Gambier et 8 % aux Marquises et Australes.
Certaines jeunes filles ont choisi parfois d’avoir un enfant. Mais d’autres adolescentes veulent éviter une grossesse et ne parviennent pas à le faire faute de connaissances et en raison de contraintes liées à l’accès à la contraception d’urgence, aux transports et aux ressources financières. Ainsi, parmi les 1000 IVG ayant lieu chaque année en Polynésie 14 % concernent des mineures dont 1 % a moins de 15 ans.
C’est ce que prévoit d’adapter le présent projet de loi du pays, afin d’éviter des grossesses non désirées et prévenir le recours à l’IVG, pour lequel le groupe Tavini Huiraatira votera
favorablement.
Quant au deuxième projet de loi du pays relatif à l’IVG, je me permets de rappeler que l’IVG est un avortement provoqué, décidé par la femme enceinte pour des raisons personnelles non médicales qui lui sont propres, et effectué dans le cadre légal instauré par la loi Veil du 17 janvier 1975 et les articles L.2211-1 et suivants du Code de santé publique.
Ainsi, l’article L2211-1reproduit que : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » et l’article L2211-2 définit qu’ « Il ne saurait être porté atteinte au principe mentionné à l’article L. 2211-1 qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre… ».
Ces articles adaptés à la Polynésie servent justement de préambule au présent projet de loi du Pays. 46 ans après la loi libéralisant l’avortement portée par Mme Simone Veil autorisant aux femmes de pouvoir interrompre une grossesse non désirée, sans risquer leur vie ou aller dans un pays étranger où il était autorisé, ce projet de loi du pays amène des modifications dans l’accès à l’IVG en Polynésie. En son temps, Mme Veil eut à subir injures et calomnies pour obtenir ce droit fondamental pour les femmes. Aujourd’hui dans notre Pays nous avons eu droit aux remugles fétides provenant de la 4 ème institution du pays où certains, heureusement une très petite minorité, remettaient en cause le droit des femmes à l’IVG alors que ce n’était pas l’objet de leur saisine.
À les croire, les Polynésiennes ne seraient bonnes qu’à procréer pour éviter à la CPS d’être en difficultés. J’ai cru un instant avoir entendu le prêche rétrograde d’un ayatollah radical dans ces pays où les femmes sont inféodées à leurs parents masculins, au pire lapidées. Non, nous étions bien au CESEC, 4 ème institution du Pays ! Encore plus choquant fut le mutisme absolu des conseillères du CESEC. Comment ont- elles pu laisser passer de tels propos ? Heureusement, la grande majorité a voté en faveur de ce projet de texte.
Car, il ne s’agit pas d’augmenter le recours à l’IVG dont les chiffres sont stables depuis plusieurs années mais de diminuer les IVG chirurgicales par curetage au 3 ème mois de grossesse, plus coûteuses et plus risquées car elles nécessitent une anesthésie générale avec les risques inhérents à ce type d’anesthésie et elles demeurent psychologiquement traumatisantes pour les femmes qui y ont recours même plusieurs années après.
Désormais l’accès à l’IVG médicamenteuse est facilité, jusqu’à 7 semaines après le début des dernières règles. En établissement de santé, ce délai peut être prolongé jusqu'à 9 semaines après la date des dernières règles.
Toutefois, « l’IVG ne constitue pas un acte de confort et peut avoir des conséquences sur la santé et la vie de la femme concernée quels que soient son âge et sa situation sociale ».
Si le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juin 2001 sur la loi relative à l’IVG et à la contraception (CC n° 2001-446 DC, 27 juin 2001) précise que l’IVG est de compétence régalienne eu égard aux libertés publiques, le Pays lui demeure compétent dans le domaine de la santé et doit définir les modalités d’application. Le 28 mars 2002, l’assemblée adoptait deux délibérations (n°2002-55 APF et n°2002-56 APF du 28 mars 2002) sur les modalités de réalisation et de prise en charge des IVG, notamment les conditions d’accompagnement, d’information, de sécurité médicale et de prévention liées à cette intervention.
Depuis, ce cadre réglementaire est resté inchangé alors même que de nombreuses évolutions législatives opérées au niveau national ont été étendues à la Polynésie. 19 ans après, le présent projet de loi du pays sur l’IVG vient rattraper ce retard réglementaire du Pays.
En pratique, le projet de loi du pays transpose les avancées législatives hexagonales en fixant les nouvelles modalités d’information et de consultation assurée par un médecin ou une sage-femme (articles LP 2 à LP 6), de pratique de l’IVG dans le cadre hospitalier ou en ambulatoire (art LP 1er,LP 7 à LP 12) de sécurité médicale en cas de complications hémorragiques ou infectieuses (LP 6 à LP 8), d’agrément des établissements hospitaliers (LP 9 à LP 12) et enfin, de suivi de l’activité d’IVG (LP 13).
La loi du pays abroge la délibération initiale du 28 mars 2002 et modifie en conséquence
l’ordonnance n° 45-2184 du 24 septembre 1945 régissant l’exercice et l’organisation des
professions médicales de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme en autorisant cette dernière de pratiquer les consultations d’IVG et de réaliser l’IVG par voie médicamenteuse (LP 14).
La loi du pays modifie également la délibération n° 80-107 du 29 août 1980 fixant les conditions d’importation des médicaments en n’accordant la seule possibilité d’importation des médicaments abortifs aux pharmacies à usage intérieur des établissements hospitaliers (LP 15). Les articles finaux LP 16 à LP 19 garantissent aux femmes de recourir à l’IVG, sans interruption jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du pays.
Il est regrettable qu’aucun bilan statistique relative à l’IVG et d’évaluation de l’application des délibérations de 2002 ni de l’impact de la loi du 4 juillet 2001 n’ait été adressé aux représentants de l’assemblée, en particulier le taux moyen de recours à l’IVG pour les femmes en âge de procréer (15-49 ans) qui demeure un mystère.
Les seuls chiffres disponibles datent de 2004 à 2007 où ce taux était estimé à 12,3 pour 1000 en moyenne en Polynésie. Ce taux moyen de recours à l’IVG serait stable en 2017 et inférieur à celui de France métropolitaine et celui des DOM (14,4 pour 1000 en France métropolitaine, 26,2 pou1000 dans les départements et territoires d’outre-mer en 2017 et 14,74 pour 1000 en Nouvelle- Calédonie en 20185). Peut-être disposez-vous de chiffres plus récents, M. le ministre ?
Selon l’exposé des motifs, 1.000 IVG sont pratiquées en Polynésie, soit 25 IVG pour 100
naissances et ces chiffres sont stables depuis une dizaine d’années. La voie médicamenteuse est choisie dans 60 % des IVG alors qu’elle représente 76% des IVG dans l’ensemble des départements, régions et collectivités ultra marines françaises.
Le présent projet de loi permettra aux femmes qui souhaitent recourir à l’IVG de majorer le recours à la voie médicamenteuse au détriment de la voie instrumentale.
En conclusion, le groupe Tavini Huiraatira votera favorablement ces deux textes.
Je vous remercie de votre attention.
Mauruuru i te faarooraa mai !
Mme Éliane TEVAHITUA