INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 8-2021 du19/01/2021
- Lettre n° 8997/PR du 29 décembre 2020
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : FAVORABLE
DOCUMENTS
DEUXIEME SÉANCE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DU JEUDI 25 FEVRIER 2021
Rapport relatif au projet de délibération portant approbation du projet de convention État Polynésie française relative au service militaire adapté de Polynésie française
Seul le prononcé fait foi
Chers collègues,
Notre vote est requis au sujet d’un projet de délibération portant reconduction de la convention triennale État/Pays relative au service militaire adapté en Polynésie.
Ce dispositif qui existe depuis 60 ans, est destiné exclusivement aux ultramarins de 18 à 25 ans que l’échec scolaire a éloigné du marché de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Il a été étendu à notre pays il y a 32 ans.
Sa longévité exceptionnelle en outre-mer est due à notre sens à la persistance de profondes inégalités de revenus, d’un chômage important et d’une plus grande prévalence de situations de pauvreté comparé à la France. Ces déséquilibres sociaux dans les territoires français ultramarins sont un terreau favorable à l’échec scolaire des jeunes de milieux défavorisés lesquels jeunes représentent en Polynésie une proportion de 54 % des collégiens contre 35 % en France.
Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que le SMA représente une opportunité réelle d’insertion professionnelle et d’emploi pour les jeunes ultra-marins échoués du système éducatif, ou d’enrôlement dans les armées au péril de leurs vies notamment pour 10 % des jeunes Polynésiens entrés au RSMA.
Car en matière d’emploi en Polynésie, « seuls 51 % des personnes en âge de travailler occupent un emploi » dans l’archipel de la Société et « parmi elles, une sur sept occupe un emploi fragile » en 2018. Les jeunes de moins de 30 ans et les personnes peu qualifiées sont particulièrement exposés au chômage, les femmes ne sont pas épargnées.
En d’autres termes, l’archipel de la Société où vit 80 % de la population polynésienne
compte 166 400 personnes âgées de 15 à 64 ans dont seules 85 200 occupent un emploi.
L’autre moitié soit 81 200 personnes est par conséquent sans emploi. Parmi elles, chaque année 500 à 600 jeunes sans bagage scolaire s’inscrivent au RSMA afin de bénéficier d’une formation professionnelle à l’issue de laquelle ils sont sûrs à 96 % d’avoir un emploi.
La crise sanitaire mondiale que la Polynésie subit depuis un an et les pertes d’emploi n’a rien arrangé avec les pertes d’emplois qui s’ensuivent, le RSMA risque d’être une bouée de sauvetage pour de nombreux jeunes non diplômés, non qualifiés.
Hormis cette cohorte de 500 à 600 jeunes au SMA, chaque année 500 jeunes entrent dans les Centres de Jeunes Adolescents (CJA), quelques centaines en Maisons Familiales Rurales (MFR) tandis que 600 à 900 jeunes intègrent le Centre de Formation Professionnelle des Adultes (CFPA). Cumulés, ils sont presqu’aussi nombreux que les 2800 lycéens (2019 : 2865 lycéens) admis au baccalauréat chaque année. Cela pose
question sur l’utilisation des 62 milliards que l’État consacre chaque année à l’Éducation, soit le tiers de ses dépenses annuelles.
Le succès du SMA s’explique par :
1) une proximité géographique des garnisons dans les archipels : à Hiva Oa aux Marquises, à Mahina et Arue sur Tahiti et à Tubuai aux Australes ;
2) une politique de recrutement dans tous les archipels notamment dans ceux qui en sont dépourvus et 3) une formation militaire qui valorise la discipline et le sens des valeurs auprès de jeunes en mal de repères.
Mais il s’explique également par la diversité des 24 formations proposées lesquelles sont réparties en 11 domaines professionnels ». La carte des formations 2 est conformée en vue de l’insertion professionnelle et en fonction des besoins et des débouchés. Une filière modulable externalisée (MODEX) existe afin de répondre à un besoin spécifique du marché de l’emploi local.
Mais si le SMA a autant de succès auprès des jeunes mā’ohi c’est parce que notre système éducatif ne remplit plus ses missions à leur égard et que l’école n’est plus un ascenseur social comme il y a 30- 40 ans. L’école est devenue un synonyme d’échecs pour de nombreux jeunes polynésiens principalement issus de milieux défavorisés. J’en veux pour preuve les statistiques issues du rapport de performance 2018-2019 de la charte de l’éducation.
En 2019, la part d’une classe d’âge en Polynésie à obtenir le baccalauréat est de 57 % contre 80 % en France. Seule la moitié d’une génération d’élèves polynésiens obtient ce sésame ouvrant l’accès aux études supérieures. Les retards à l’entrée en sixième puis en troisième dépassent successivement de 4 points et de 3,5 points la mesure nationale en 2018.
Les résultats aux évaluations territoriales de 2018 montrent que les taux de réussite en français et en mathématiques sont respectivement de 49 et 51 % en CE1 et, de 49 et 55 % en CM2.
Plus prosaïquement, la moitié des enfants peine à parler, lire, écrire et compter en CE1 et en CM2 !Pourtant la charte de l’éducation se donne comme objectif premier de « conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun » en commençant par l’acquisition des fondamentaux :parler, lire, écrire, compter.
Ce qui fait cruellement défaut dans notre système éducatif, des jeunes polynésiens le trouve faute de mieux au RSMA. Le projet de convention État-Pays sur 3 ans s’attache à lutter « contre l’illettrisme, le décrochage et l’exclusion sociale et de facilitation et d’insertion dans le monde professionnel des jeunes stagiaires volontaires pris en charge » ; des objectifs que l’École n’a pas su atteindre vis-à-vis de tous les enfants polynésiens.
Avec 30 % de formation militaire et 70 % de formation professionnelle, « le RSMA apporte des codes sociaux adaptés tout en proposant des filières courtes sur 6 mois et des filières longues sur 10 à 12 mois. Durant leur volontariat, les frais d’habillement, d’internat, de formation, de rémunération et de déplacement sont pris en charge par l’État.
Au vu de ces éléments et comme en commission, le groupe Tavini Huiraatira ne peut que se prononcer favorablement sur ce projet de délibération approuvant la reconduction de la convention triennale relative au service militaire adapté en Polynésie.
Je vous remercie de votre attention. Mauruuru i te faarooraa mai !
Mme Éliane TEVAHITUA