INTERVENTION
Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
Rapport n° 101-2022 du 05/10/2022
Lettre n° 791/DIRAJ du 9 septembre 2022
Temps de parole : 10 mn
Consigne de vote: favorable
DOCUMENTS
TROISIEME SÉANCE DE LA SESSION BUDGETAIRE DU 13 OCTOBRE 2022
Avis de l’assemblée de la Polynésie française sur le projet d’ordonnance prise en application de l’article 18 de la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président ; Mesdames les ministres ;
La loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption promulguée le 22 février dernier est applicable de plein droit en Polynésie française en raison de l’article 14 du statut d’autonomie qui fixe la compétence entière de l’Etat en matière de filiation, a fortiori quand celle-ci est issue de l’adoption. Cette loi protectrice de l’enfant adopté ou délaissé a pour objet de « faciliter et sécuriser l’adoption dans l’intérêt de l’enfant », de « renforcer le statut de pupille de l’état et améliorer le fonctionnement des conseils de famille », « d’améliorer les autres dispositions relatives au statut de l’enfant ».
Plus prosaïquement, elle permet aux couples non mariés d’adopter, abaisse à 26 ans l’âge minimum du parent adoptant, valorise l’adoption simple, renforce le statut des pupilles de l’État, assouplit le recours au congé d’adoption
L’article 18 de cette loi autorise le Gouvernement français dans un délai de huit mois suivant sa promulgation, à prendre toute mesure législative pour modifier les dispositions du code civil et du code de l’action sociale et des familles. C’est l’objet de ce projet d’ordonnance transmis le 9 septembre 2022 par le représentant de l’Etat en Polynésie.
Les nombreuses modifications du code civil proposées par ce projet d’ordonnance et applicables de plein droit en Polynésie portent sur :
-les conditions requises pour l’adoption notamment du consentement à l’adoption ;
-la procédure et le jugement de l’adoption en particulier le placement en vue de l’adoption des pupilles de l’Etat et les enfants délaissés ;
-les effets de l’adoption qu’elle soit plénière ou simple ;
-les dispositions propres à l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple et sur ;
-l’adoption internationale.
Pour ce qui concerne les modifications du code de l’action sociale et des familles portées par ce projet d’ordonnance, elles rendent applicables en Polynésie, les dispositions législatives concernant les pupilles de l’EtatLes observations émises dans cet avis favorable de notre institution portent sur la nécessaire insertion de disposition réglementaire permettant de fixer la composition et les règles de fonctionnement des conseils de famille institués en Polynésie, sans quoi ce dispositif n’est pas fonctionnel. Mais, dans la mesure où le Gouvernement central a pris cette ordonnance 2 le 5 octobre
et publié dans la foulée au JORF le 6 octobre, avant que l’avis de l’assemblée ne lui parvienne, ces observations devront être portées par nos parlementaires nationaux à l’occasion de leur adoption définitive devant le Parlement français, faute de quoi elles resteront au stade de simples vœux pieux.
Nonobstant ces remarques, l’application de cette loi réformant l’adoption est très attendue des travailleurs sociaux de la cellule adoption de la Direction des solidarités car celle-ci n’avait jusqu’ici aucune mainmise sur le processus d’adoption entamé en amont par les parents biologiques et adoptants.
Mise devant le fait accompli, elle n’est sollicitée que pour l’enquête sociale obligatoire
qui régularise la situation de l’enfant donné en adoption. Par conséquent, cette réforme met un terme au manque d’encadrement du processus d’adoption depuis la décision des parents de se séparer de leur enfant jusqu’à son adoption simple ou plénière et cette situation prévalait depuis plus de 30 ans.
La réforme de l’adoption met surtout un terme aux abus d’utilisation de la délégation de l’autorité parentale qui permet de contourner l’adoption directe de l’enfant. Cette délégation qui devait être temporaire au sein de familles polynésiennes, a surtout servi à des adoptants métropolitains pour quitter sans encombre la Polynésie avec le nouveau-né. Néanmoins, ce statut précaire prévoit la possibilité pour les parents biologiques de récupérer leur enfant durant un laps de temps de deux ans.
Mais, la récupération est source de souffrances pour l’enfant qui a grandi durant deux ans
auprès de parents adoptifs ainsi que pour ces derniers.
Cette réforme de l’adoption mettra également fin à certaines dérives telles que la fausse déclaration de paternité, le monnayage de l’enfant par une contrepartie financière ou matérielle (cela va de la remise d’argent à l’achat d’un réfrigérateur, un scooter, etc.). La cellule Adoption des services sociaux deviendra le passage obligé des familles qui veulent adopter un enfant et de celles qui veulent mettre leur enfant en adoption.
Enfin, il ressort des travaux de la commission de l’économie du 4 octobre dernier que les parents biologiques polynésiens restent attachés au fa’a’amu traditionnel et à l’adoption simple qui permet à l’enfant de rester relié à sa famille d’origine, en gardant son nom d’origine accolé au nom de ses parents adoptifs, et son droit à l’héritage de ses parents biologiques. Quant aux parents adoptants métropolitains, ils préfèrent l’adoption plénière, qui est irrémédiable où « l’enfant sort du champ biologique et change complètement de nom parce qu’il n’a pas le droit de garder son nom d’origine, et il n’aura pas non plus droit à l’héritage de sa famille biologique ».
Pour conclure, j’appelle les membres de mon groupe à voter en faveur de cet avis favorable.
Je vous remercie de votre attention. Mauruuru i te faarooraa mai !