INTERVENTION
- Intervenant du groupe Tavini Huiraatira Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° -2021 du 12/01/2021
- Lettre n° 400/DIRAJ du 30/04/2021
- Temps de parole 10 mn
- Consigne de vote Favorable
DOCUMENTS
QUATRIEME SÉANCE DE LA SESSION ADMINISTRATIVE DU 18 MAI 2021
Avis de l’assemblée de la Polynésie française sur le projet de loi autorisant la ratification de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président, Chers Collègues,
L’Organisation internationale du travail que nous appellerons par son acronyme OIT est une centenaire, née au lendemain de la 1ère Guerre mondiale.
Cette agence onusienne qui réunit actuellement 187 États membres dont la France, est spécifiquement chargée de la protection et de la promotion des droits de l’homme au travail.
À ce titre, elle lutte contre toutes formes de discriminations au travail, notamment contre cette aliénation extrême que constitue l’esclavage. Ce dernier existe depuis la nuit des temps.
Ainsi, l’Histoire française nous apprend que la patrie des droits de l’homme a commis dans ses colonies durant plus de 2 siècles, la traite et l’esclavage, c’est-à-dire l’exploitation sous la contrainte et la violence, d’êtres humains de peau noire.
Il a existé dans le droit français un « Code noir édicté par Louis XIV en 1685 (qui) statue sur le sort des esclaves dans les colonies ».
Dans ses territoires extérieurs notamment aux Antilles, la France admettait volontiers « l’existence de travailleurs attachés à un maître, à une terre, et vendus sur des marchés ».
Bien que la première abolition de l’esclavage par la France soit proclamée le 4 février 1794 et applicable dans toutes les colonies françaises, elle fut révoquée en 1802.
Il faudra attendre le 27 avril 1848 pour qu’un décret abolisse définitivement l’esclavage et émancipe les esclaves, et le 21 mai 2001 pour que la loi TAUBIRA reconnaisse la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité.
Depuis, chaque 10 mai et dernièrement le 10 mai 2021, la France commémore la journée nationale des mémoires, de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.
Au niveau international, cette protection au travail demeure plus que jamais une mission essentielle pour l’ONU via l’OIT.
La traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail, notamment domestique existe encore. Les pratiques contemporaines d’exploitation par le travail revêtent aujourd’hui la forme du travail forcé et de privation de liberté. C’est en quelque sorte de l’esclavage moderne mettant en péril la dignité et les droits humains.
Depuis 1957, l’OIT a adopté une convention dans l’objectif de supprimer « le travail forcé et obligatoire ». En dépit de celle-ci « les pratique d’esclavage moderne se poursuivent avec l’exploitation sexuelle, la servitude pour dettes ou le travail des enfants » .
En juin 2011, l’OIT a adopté la Convention (n° 189) portant sur les travailleuses et les travailleurs domestiques, « régulièrement victimes de situations de violences et de harcèlement au travail ».
Or la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) rappelait le 28 avril 2020 que la France n’a toujours pas ratifiée cette convention. Et des 190 conventions internationales de l’OIT, seules 128 ont été ratifiées par la France3 .
Ce rappel me parait utile pour contextualiser la position parfois ambivalente de la patrie des droits de l’Homme vis-à-vis des Conventions de l’OIT et plus généralement de l’ONU.
Aujourd’hui, nous sommes saisis par les services de l’État d’une demande d’avis sur un projet de loi autorisant la ratification de la Convention no 190 de l’OIT relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.
Dans la continuité des 189 précédentes et fidèle aux missions fondatrices de l’OIT, cette Convention internationale onusienne instaure des moyens de protection et de prévention ainsi que la nécessité de garantir des voies de recours et de réparation.
Elle incite les gouvernements à mettre en place des orientations, des formations ou encore des actions de sensibilisation concernant la violence et le harcèlement. Elle vient de manière notable instaurer une spécificité pour les faits de violence et de harcèlement fondés sur le genre.
Je souhaiterais que l’on m’explique l’intérêt réel pour notre institution de se prononcer sur un texte qui a donné lieu a plus de deux années de discussions préalables entre Paris, Bruxelles et toutes les capitales européennes, sans que le Pays soit lui- même consulté.
Car, si cela avait été le cas, nous aurions ainsi pu faire valoir dès le départ les spécificités du monde du travail polynésien, consulter les organisations syndicales et patronales ainsi que les forces vives du Pays.
Donc, nous allons une fois encore rendre un avis du type « fait accompli », un avis de circonstance, purement formel et si ce n’est, inutile. Il est bien dommage que l’État vienne ainsi encombrer nos travaux législatifs.
Néanmoins, je porterai un avis positif sur l’économie générale du texte qui, au final, est favorable à la protection des travailleurs dans le monde de l’entreprise public et privé et qui vient apporter des limites aux vecteurs de violence et de harcèlement dans le monde du travail.
Je suis également de l’avis du rapporteur qui relève, à juste titre, que l’Inspection de travail et le droit du travail polynésien incorporent déjà dans le droit positif et la réglementation locale, l’esprit et l’essentiel des dispositions de la Convention no 190.
Je vous remercie de votre attention.
Mauruuru i te faarooraa mai !
Mme Éliane TEVAHITUA