INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 3-2022 du 31/01/2022
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : contre
DOCUMENTS
PREMIERE SÉANCE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DU 16 FEVRIER 2022
Proposition de loi du pays portant modification de la loi du pays N° 2021-37 du 23 août 2021 modifiée, relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid 19.
Seul le prononcé fait foi
Madame la Présidente ;
Monsieur le Président ;
Mesdames et Messieurs les ministres ;
Mesdames et Messieurs les représentants,
Chers amis du public et de la presse ;
Chers internautes ;
Ia ora na !
La présente proposition de loi du pays vise à réduire de moitié le montant actuel de l’amende administrative à l’encontre des travailleurs en contact avec le public ne respectant pas l’obligation vaccinale. De 175 000 F CFP, elle prévoit de la ramener à 80 000 F CFP.
Au lieu de sa simple baisse, le groupe Tavini propose la suppression pure et simple de cette amende, pour les raisons suivantes :
1-Premièrement, cette amende ne se justifie plus 6 mois après le vote de l’obligation vaccinale car la situation sanitaire a évolué favorablement depuis août 2021.
En juillet-août 2021, la situation sanitaire était gravissime en raison d’un variant delta mortel. La couverture vaccinale des Polynésiens était faible de l’ordre de 40 % malgré les messages sanitaires exhortant à la vaccination. Ainsi pour ne prendre que la date du 31 août 2021 : 412 hospitalisations pour covid étaient en cours, 62 patients étaient en réanimation et 13 personnes décédaient en 24 heures. Pendant cette période, les personnes non-vaccinées représentaient 87,8 des personnes hospitalisées pour complications de la covid, plus de 94 % des personnes admises en réanimation pour covid et 87,1 % des personnes décédées.
La décision de recourir à ce moment-là à la vaccination obligatoire de certaines catégories de population davantage exposées à la contamination était indispensable, raisonnable et responsable ; ce d’autant que « le risque induit par la vaccination apparaît totalement résiduel en comparaison des bénéfices qu’en retirent les personnes vaccinées ». Parmi ses bénéfices et non des moindres, éviter de développer des formes graves de la maladie et d’en mourir ; protéger les 45000 personnes en longue maladie c’est-à-dire un Polynésien sur 6. D’autre part, la prise en charge médicale des patients atteints de la covid 19 a un coût important pour notre collectivité. Je rappelle un chiffre : 1 million de francs CFP par jour d’hospitalisation en réanimation. 4 mois de réa pour un patient covidé, c’est 120 millions de coût pour la CPS où cotisent tous les Polynésiens. Et enfin
vaccination est gratuite et plusieurs types de vaccins sont disponibles, avec ou sans ARN messager.
En comparaison, tout autre et bien meilleure est la situation sanitaire actuelle. Le point de situation de la Covid-19 du lundi 14 février 2022 fait état d’une couverture vaccinale globale proche de 80 % des Polynésiens à partir de 12 ans, dotés d’un schéma vaccinal à 2 doses. La vague du variant omicron se traduit par 20 hospitalisations en cours dont 5 en réanimation, aucun décès depuis 5 jours. Nous ne sommes plus dans la même configuration dramatique d’août 2021 avec des dizaines de morts par jour.
2-Deuxièmement, la mise en œuvre de cette amende depuis le début de l’année est une vraie usine à gaz en raison de la lourdeur des procédures administratives et du manque de moyens dont dispose l’ARASS pour assurer ces contrôles. Jugez-en vous-même !
Premier couac : Bien que 20.000 salariés aient été déclarés par leurs employeurs sur Oblivacc, la plate-forme de vérification de conformité à l’obligation vaccinale, le statut vaccinal d’un quart de l’effectif – c’est-à-dire plus de 5000 personnes – est inconnu, soit parce que ces salariés ne sont pas à jour, soit parce qu’ils « n’ont pas fourni les pièces » adéquates. C’est ce que les techniciens appelleraient une disruption technologique !
Deuxième couac : Sur ces 20.000 travailleurs déclarés, l’ARASS n’a pu en contrôler en janvier que 597 dans quelques secteurs d’activités basés à Tahiti, soit 3 % de l’effectif à contrôler. À ce rythme-là, il faudra à l’ARASS trois ans pour contrôler tout ce monde ! De plus, elle n’est pas compétente à exiger les pièces d’identité des personnes contrôlées, notamment lorsque celles-ci présentent le carnet de vaccination. Les contrôleurs demandent donc la preuve de leur inscription au site Tatou de la CPS auquel seuls les intéressés ont accès ; ce qui est un moyen détourné pour s’assurer de leur identité.
En cas de défaut de présentation de pièces en règle par le salarié, l’ARASS établit un procès-verbal de constat d’infraction qu’elle transmet au ministère de la santé, la seule autorité chargée de notifier la constatation au récalcitrant. Elle peut se réserver le droit de filtrer les notifications. À partir de sa notification, l’intéressé dispose d’un délai d’un mois pour régulariser son statut vaccinal.
À défaut de régularisation, une procédure de constatation du manquement et de l’amende administrative est lancée. L’intéressé dispose encore d’un délai de recours de deux mois pendant lequel les services financiers du Pays, notamment le Contrôle des Dépenses Engagées (CDE), ne peuvent émettre de mandat. Par conséquent, c’est un calendrier à rallonge de plusieurs mois qui s’annonce avant que l’amende ne soit perçue. C’est ainsi qu’à la date d’aujourd’hui, aucune amende n’a été transmise aux 38 personnes en situation irrégulière parmi les 597 travailleurs contrôlés.
Troisième couac : Les sanctions pécuniaires risquent de tomber au moment où la pandémie sera passée ; ce qui est complètement ridicule. Sans compter le fait qu’en dernier ressort, le Président se réserve la possibilité d’annuler ou de diminuer le montant de l’amende. Une vraie usine à gaz comme je le disais tantôt !
La seule bonne nouvelle de ces contrôles effectués par l’ARASS est le fait que les contrevenants à l’obligation vaccinale ne représentent que 6 %. Ce faible taux démontr
l’adhésion de la quasi-totalité des travailleurs en contact avec le public à l’obligation vaccinale. Donc, l’exhortation à la vaccination obligatoire durant ces six derniers mois avec son corollaire de l’amende a amplement rempli son rôle. C’est pourquoi elle doit évoluer vers le retrait de la sanction pécuniaire.
Pour conclure, M. le président, cesser d’importuner les Polynésiens avec cette amende alors que beaucoup de nos familles vivent en situation de précarité monétaire et se battent au quotidien pour survivre. Le coût de la vie a augmenté de manière considérable depuis le début de l’année ! Et nos familles vont subir à compter du premier avril les effets catastrophiques de votre TVA sociale.
C’est pourquoi, M. le Président, la seule façon honorable pour votre gouvernement de sortir de cet embrouillamini, est d’abroger cette amende impopulaire et injuste.