INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 104-2021 du 13/07/2021
- Lettres n° 4897/PR du 7/7/2021
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : Abstention
DOCUMENTS
PREMIERE SÉANCE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DU 22 JUILLET 2021
PROJET DE DELIBERATION PORTANT ADHESION DE LA POLYNESIE FRANCAISE À L’ASSOCIATION « TE OPERE TE ITE » FENUA COMPETENCES
Seul le prononcé fait foi
Chers collègues,
Notre approbation est demandée pour un projet de délibération portant adhésion de la Polynésie à l’association « Te Opere Te Ite / Fenua Compétences ».
Cette nouvelle association motive sa création par les poncifs habituels de : -la pandémie de la COV1D- 19 qui oblige à« réduire les déplacements et les regroupements» et ;-l’étendue de la Polynésie qui est une « source d’enclavement » et « de nombreuses contraintes » notamment pour la formation professionnelle.
Ainsi, cette nouvelle association a pour projet fondateur de décentraliser la formation professionnelle à distance grâce à une plate-forme numérique rendue possible par le déploiement progressif de la fibre optique.
Elle permettrait, dit l’exposé des motifs, d’éviter « des frais de transports et d’hébergement importants pour les salariés des îles éloignées qui viennent sur Tahiti pour acquérir de nouveaux savoirs et savoir-faire » ainsi qu’aux « organismes de formation confrontés aux mêmes difficultés ».
Par conséquent « la formation pour tous » est annoncée comme la principale mission de Fenua Compétences et son slogan accrocheur.
Si l’objectif annoncé parait noble, la formation à distance ne peut aucunement s’appliquer à des apprentissages professionnels exigeant des stages pratiques, des compagnonnages et des savoir-faire spécifiques entreprises ou en CFPA.
En conséquence, l’argument employé « d’éviter des frais de transports et d’hébergement importants pour les salariés des îles éloignées » n’est pas valable pour toutes les formations et tous les salariés.
À ce sujet, nous aurions aimé qu’en commission de la santé et de l’emploi soient justement listées les formations pouvant se suffire d’une simple visio-conférence et plus globalement qu’un bilan du Fonds Paritaire de Gestion et des formations continues qu’il finance, soit présenté.
Nous sommes restées sur notre faim. Pour les sociétés faisant de la formation professionnelle continue dans notre Pays, il est évident que cet enseignement à distance aura le double avantage : -d’une part, de les dispenser de frais de déplacement importants incluant des billets d’avion, des frais de transports terrestre ou maritime, des frais d’hébergement et de repas ; -d’autre part, de toucher en temps réel plusieurs salariés disséminés sur des îles différentes via la plate-forme numérique. Ainsi au lieu de former de manière laborieuse île par île, elles pourraient former dans plusieurs îles en même temps, tout en restant à Papeete.
Cette plate-forme représente par conséquent une aubaine pour elles car elle leur permettra de diminuer les dépenses liés aux déplacements sur site, d’augmenter leurs bénéfices et de leur faire gagner du temps.
Ces éléments qui leur seraient favorables inciteront- ils les prestataires de formation à réduire leurs tarifs ? Rien n’est moins sûr.
Bien que nous estimons utile de mettre en place une telle plate-forme numérique de formation professionnelle continue, à distance, elle suscite de notre part plusieurs interrogations :
1-Pourquoi venir demander une subvention financière importante de 23 millions CFP au Pays, comptant pour moitié dans le financement prévisionnel de cette nouvelle association alors que le Fonds paritaire de gestion est l’organisme officiel de de financement de la formation continue des salariés polynésiens du secteur privé ?
2-Quant aux agents communaux lesquels sont considérés comme des salariés potentiels à former, ne disposent-ils pas déjà d’un Centre de Gestion et de Formation pour les former spécifiquement ? Pour rappel, depuis la délibération n°91-26 AT du 18 janvier 1991, tous les employeurs polynésiens sont astreints à « participer financièrement au développement de la formation professionnelle continue des salariés » à hauteur de 0,5 % de la masse salariale brute.
C’est la fameuse cotisation pour la formation professionnelle continue que le Fonds paritaire de gestion, agréé par les pouvoirs publics, collecte. Les missions de ce Fonds sont de « mutualiser les cotisations des entreprises ; financer les actions de formation ; accompagner les entreprises, financer et conduire des programmes d’étude et de recherche ; agir en concertation avec les Pouvoirs Publics ».
Par conséquent, 3-N’est-ce pas au Fonds Paritaire de Gestion (FPG) de financer entièrement cette plate-forme sans participation requise du Pays ?
4-Est-ce pour faire accepter son financement par le Pays que cette plateforme nous est annoncée ouverte accessoirement aux associations diverses et aux clubs sportifs ? Cette nouvelle association a pour objet de développer « des actions de formations à distance par support et plateforme numérique pour un public éloigné de Papeete et Tahiti, avec un objectif de pérennisation de son fonctionnement », de mutualiser « des ressources pédagogiques à destination des publics éloignés de Tahiti, afin de réaliser à terme des économies d’échelles », de réfléchir à une future coordination « des différents membres fondateurs, et leurs opérations de formation professionnelle en direction de leurs publics spécifiques ».
Sauf à me tromper, n’est-ce pas les mêmes objectifs que les missions du FPG ? Cette nouvelle association qui apparait comme un doublon du FPG, prévoit d’embaucher au départ 3 agents : « un directeur, un chargé de développement pour la gestion des formations et la recherche des formateurs et un secrétaire comptable ».
Or, si je me réfère à l’organigramme 2016 du personnel du FPG, lequel obère de 10 % la cagnotte annuelle du FPG, il compte déjà 13 salariés incluant une directrice, un comptable, un aide-comptable, 3 chargés de formation qui contrôlent la qualité des formations et des organismes de formation locaux et extérieurs et une équipe commerciale de 6 conseillers et 1 conseiller-assistant de direction qui gèrent les portefeuilles des adhérents.
Est-ce que ce personnel du FPG ne suffit pas pour gérer la formation professionnelle des salariés en Polynésie ? Mais, quand je lis à l’article 3 des statuts que le siège social de cette association est fixé à sa création dans les locaux du Fonds Paritaire de Gestion, Immeuble Artémis à Paofai, je n’ai plus aucune doute qu’il s’agisse d’une émanation du Fonds Paritaire de Gestion qui non contente de percevoir 0,5 % de la masse salariale brute soit 800 millions CFP annuels souhaite bénéficier en plus de subsides publics.
Pour justifier sa forme associative et sa création, le rapport de présentation fait référence à une étude de faisabilité à laquelle les élus membres de la commission de la santé et du travail n’auront même pas droit.
Leur transmettre en toute transparence cette étude est un minimum quand on vient demander l’approbation de la représentation populaire polynésienne aux aides publiques et à l’adhésion du Pays à cette association.
D’ailleurs, qui est le commanditaire de cette étude ? Est-ce le FPG, le Pays ? Quel prestataire l’a réalisé et pour quel montant ? Trouver que « l’archipel des Iles-Sous-Le-Vent constitue le bassin de public à former le plus important en dehors des Iles-Du-Vent », c’est franchement une lapalissade quand chaque recensement de l’ISPF place les ISLV en tant que second pôle démographique et économique et principal pôle touristique avec 12 % de la population totale, 13 % des emplois existants et un niveau de développement des infrastructures de communication qui permet des échanges permanents avec Tahiti.
C’est d’ailleurs dans cet archipel que les premières salles de formation numériques seront installées dans les infrastructures communales de Bora Bora, Raiatea et Huahine.
Des actions de formation à distance sont potentiellement prévues vers d’autres archipels mais avec des moyens plus réduits, notamment aux Marquises et aux Tuamotu-Gambier sous réserve d’être reliées au câble.
Là également, nous aurions souhaité avoir la liste actualisée des communes des archipels éloignés connectées. Potentiellement parlant, l’archipel marquisien ne regroupe que 3,6 % de la population polynésienne et 3,3 % des emplois.
Quant aux Tuamotu- Gambier qui comptent 6,4 % de la population totale, ils regroupent 6,4 % des emplois et ne parlons pas des Australes et ses 2,6 % de la population polynésienne. Pendant les travaux en commission, il a été spécifié que ce sera « un espace de dialogue entre les membres fondateurs et les utilisateurs ».
Je dirais en conclusion que cet espace de dialogue coûtera cher pour les deniers publics et que c’est au fonds paritaire de gestion de subvenir aux besoins de son association satellite.
En conséquence, le Tavini Huiraatira s’abstiendra dans son vote. Je vous remercie de votre attention.
Mauruuru i te faarooraa mai !
Mme Éliane TEVAHITUA