Question écrite au gouvernement
- Question écrite à Monsieur Édouard FRITCH Président de la Polynésie française
- Objet : « Océanisation » des cadres en Polynésie française
DOCUMENTS
Monsieur le Président,
Chaque année près de 900 néo-bacheliers de Polynésie française s’engagent dans la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur français.
Il convient de noter que 30 % d’entre-deux feront le choix, pour les besoins de leur formation universitaire, de s’expatrier dès la première année dans les principales villes universitaires de France.
Ainsi, c’est au prix de lourds sacrifices financiers supportés par leurs familles respectives que ces étudiants quittent leur patrie pour acquérir le bagage universitaire indispensable et l’expérience professionnelle qu’ils pourront par la suite mettre à profit de retour au fenua.
Malheureusement, force est de constater que de nombreux Polynésiens pourtant bardés de diplômes et bénéficiant d’une solide expérience professionnelle acquise à l’étranger ne trouvent pas d’emploi une fois rendus dans leur pays et seront même contraints pour assurer leur subsistance, de s’expatrier une nouvelle fois à l’étranger sans aucune perspective de retour ou de consentir à des emplois subalternes sous-qualifiés et sous-payés.
Les familles de ces jeunes diplômés constatent avec amertume que les efforts consentis durant ces nombreuses années ne sont pas suffisants pour accéder à l’emploi tandis que dans le même temps ils doivent se résoudre à constater que ces mêmes emplois qualifiés sont pourtant occupés par des expatriés.
Il suffira pour s’en convaincre d’observer cet ostracisme systémique à l’endroit des Polynésiens diplômés à l’œuvre dans votre propre gouvernement. Ainsi, le directeur de cabinet de la ministre de l’Éducation était-il anciennement un cadre expatrié auprès de la DGEE tandis que le directeur de cabinet du ministre des finances et de l’économie est également un fonctionnaire expatrié de la fonction publique d’État.
Cet ostracisme systémique qui tend à privilégier une main d’œuvre expatriée au détriment des Polynésiens est également endémique dans le secteur privé à l’instar du secteur touristique qui ne compte qu’un seul directeur d’hôtel polynésien quand tous les autres postes de direction sont exclusivement occupés par des expatriés
Ce même ostracisme est également patent dans notre fonction publique hospitalière lorsqu’on constate que de nombreux médecins et spécialistes polynésiens se voient refuser l’accès aux meilleurs emplois au Centre hospitalier de la Polynésie et sont contraints d’exercer à l’étranger.
À cet égard, je souhaiterais attirer votre bienveillante attention au sujet d’un cas me semble-t-il symptomatique de cet ostracisme endémique.
Il concerne un jeune Polynésien titulaire d’un triple diplôme de magistère d’économiste statisticien, de master en sciences actuarielles et financières et de master en modélisation statistique et économique qui aujourd’hui se retrouve évincé de l’emploi qu’il a exercé six années durant au sein de la Caisse de prévoyance sociale en qualité de chargé des études actuarielles et des budgets des régimes de la protection sociale généralisée.
S’il ne m’appartient pas de porter de jugement sur les raisons de cette éviction, en revanche la situation financière et familiale de grande précarité dans laquelle se trouve ce jeune homme diplômé qui par ailleurs a exercé dix années durant dans les organismes financiers parisiens est scandaleuse et proprement inacceptable.
En juillet 2019, vous avez érigé la loi du pays sur la promotion et la protection de l’emploi local en parangon de votre stratégie d’océanisation des cadres polynésiens.
Au regard des situations de précarité précédemment évoquées et des objectifs louables qui lui ont été assignés, il semblerait que cette loi du pays n’ait pas eu les effets escomptés.
Aussi, Monsieur le Président, je souhaiterai être instruite des dispositions que compte prendre votre gouvernement pour permettre à ce jeune Polynésien et à ceux qui aspirent légitimement à exercer leurs compétences professionnelles d’être prioritaires dans leur propre pays ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma respectueuse considération.
Mme Éliane TEVAHITUA