INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
Rapport n° 170-2020 du 24/12/2020
Temps de parole : 10 mn
Consigne de vote : FAVORABLE
DOCUMENTS
PREMIERE SÉANCE DE LA COMMISSION PERMANENTE DU LUNDI 11 JANVIER 2021
Proposition de résolution soutenant la proposition de loi de Madame la sénatrice Annick BILLON visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels
Seul le prononcé fait foi
Chers collègues,
En 2015 en France, les chiffres officiels estimaient le nombre de viols à près de 75 000 et le nombre de tentatives de viol à 200 000 et en Cour d’assises, le viol représentait environ 50% des condamnations pour crime.
En Polynésie en 2017, sur 156 agressions sexuelles jugées en correctionnel, 112 avaient eu lieu sur mineurs, tandis que la cour d’assises jugeait 61 viols dont 32 sur mineurs.
Outre ces chiffres d’ordre judiciaire, les abus sexuels sur mineurs font également et régulièrement la une des médias tant dans notre pays qu’en France.
Récemment, à Papeete, des affaires d’agressions sexuelles sur mineures impliquant des personnalités de la société civile qui ont pignon sur rue faisaient la une des journaux, suscitant l’ire des polynésiens.
Elles étaient jugées devant le tribunal de Papeete et les débats devaient déterminer si les auteurs connaissaient l’âge des jeunes filles mineures au moments des faits.
En France, à Paris, c’est un livre « La familia grande » paru le 7 janvier qui fait l’effet d’une bombe médiatique.
Dans cette autobiographie, l’autrice issue d’une famille célèbre de la grande bourgeoisie parisienne, avocate et maîtresse de conférence en Droit privé et sciences criminelles, dénonce un tabou familial caché depuis 30 ans : des agressions incestueuses imposées par son beau-père sur son frère jumeau à l’adolescence.
Cette introduction liminaire me permet de dire, chers collègues, à quel point la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, déposée le 26 novembre 2020 par la sénatrice Annick BILLON, est opportune pour ne pas dire providentielle.
Car la législation française actuelle demeure insuffisante à protéger les jeunes mineurs victimes de crimes sexuels et le système judiciaire est encore dans l’incapacité de « sanctionner à hauteur de leur gravité les violences sexuelles commises par des adultes sur des enfants et des adolescents ».
La présente proposition de loi dont la représentante- sénatrice Lana TETUANUI se fait la porte-parole devant notre institution, prévoit « l’interdiction absolue de tout acte sexuel entre une personne majeure et un mineur de moins de 13 ans ».
Car, malheureusement aujourd’hui, la loi SCHIAPPA n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a montré ses limites.
La qualification judiciaire d’une agression sexuelle, surtout d’un viol, reste encore connotée de l’idée qu’un enfant pourrait être pleinement consentant « à des relations sexuelles avec un adulte, voire les encourager ».
À titre personnel, cette idée du plein consentement d’un enfant à cet acte immonde est inacceptable insoutenable lorsqu’on a été l’enfant aimé et protégé de ses parents et parce qu’on on est devenu à notre tour parent puis grand –parent.
Pourtant la loi SCHIAPPA avait été élaborée à la suite de deux affaires pénales concernant des faits de viols par adulte sur enfant de 11 ans dans lesquelles les plaintes pour viol ont été requalifiées d’atteinte sexuelle dans un cas et abouti à l’acquittement par la cour d’assises dans l’autre cas.
Censée parfaire une loi antérieure du 8 février 2010, elle a élargi la définition du viol1. Elle devait normalement mettre un terme à « la difficulté liée aux critères de « contrainte, menace, violence et surprise » » des articles 222-22 et 222-23 du code pénal.
Il n’en fut rien car à ce jour, les juges continuent d’apprécier au cas par cas si la victime est consentante ou non en fonction de son comportement, avec la possibilité de requalifier un viol en atteinte sexuelle.
Ainsi des décisions de justice rendues très récemment montrent que la loi SCHIAPPA reste encore impuissante face aux violences sexuelles commises sur de jeunes mineurs car les critères « classiques » du viol que sont l’existence de violences ou d’une contrainte, menace ou surprise ne sont pas pertinents à l’égard des jeunes victimes. Cette loi est donc perfectible.
Prenant exemple sur le Royaume-Uni , un État de droit, où « un enfant de moins de 13 ans n’a en aucune circonstance la capacité légale de consentir à une quelconque forme d’acte sexuel » et où en cas de pénétration sexuelle, le prédateur encourt la réclusion à perpétuité, la sénatrice Annick BILLON, autrice de cette proposition de loi estime qu’« il revient aux adultes de protéger les enfants et non à ceux-ci de se défendre des prédateurs sexuels ».
Elle propose un seuil d’âge de 13 ans car cet âge détermine la responsabilité pénale des mineurs et « la limite indiscutable de l’enfance » sans obérer « les circonstances aggravantes en cas de viol ou d’agression sexuelle lorsque l’âge de la victime est compris entre 13 et 15 ans ».
Elle prévoit d’«insérer dans le code pénal un article définissant le crime de pénétration sexuelle sur mineur de 13 ans par un adulte » et de fixer une peine « de 20 ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ; de 30 ans de réclusion criminelle lorsqu’elle a entraîné la mort de la victime ; de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie de tortures ou d’actes de barbarie. ».
Le groupe Tavini Huiraatira ne peux que souscrire unanimement à la présente résolution visant à soutenir la sénatrice Annick BILLON dans sa proposition de loi.
Je vous remercie de votre attention. Mauruuru i te faarooraa mai !
1 « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol »
Mme Éliane TEVAHITUA