INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 58 du 17 07 20
- Lettre n° 4114/PR du 09/07/2020
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : Favorable
DOCUMENTS
SESSION EXTRAORDINAIRE – 2E SÉANCE DU 30/07/2020
Rapport sur le projet de loi du pays relatif à l’exercice de la profession de manipulateur d’électroradiologie médicale
Chers collègues,
Nous sommes saisis d’un projet de loi du pays visant à légiférer la profession de manipulateur radio. Il vient compléter la délibération du 29 janvier 2010 qui fixe notamment les modalités de recrutement et le déroulé de carrière du cadre d’emplois des manipulateurs radio mais ne précise ni les conditions de formation ou de diplôme, ni les actes autorisés.
Le projet de texte vient en quelque sorte pallier ces lacunes sans que cette réactualisation des textes n’ait une incidence financière pour les employeurs publics ou privés.
Ils seraient actuellement une cinquantaine de personnes à exercer la profession de manipulateur radio, majoritairement en milieu hospitalier.
Vous aurez remarqué que j’emploie le conditionnel présent car — c’est un comble — les membres de la commission sont restés sur leur fin et ont dû se contenter de données statistiques de 2005.
Ainsi, il y a 15 ans, 49 manipulateurs radio étaient recensés dont 28 travaillaient au CHPF, 12 en clinique, 6 à la Direction de la santé et 3 en cabinets privés. Soit les deux tiers dans le secteur public et le tiers restant dans le secteur privé.
En fonction de leur âge, deux catégories se distinguent :
celle des jeunes manipulateurs radio recrutés récemment et celle des manipulateurs radio entre 40 et 60 ans dont le moment venu le Pays devra être en mesure de prévoir le remplacement par de jeunes polynésiens diplômés. A l’instar de toutes les professions de santé, celle de manipulateur radio a évolué en même temps que les progrès médicaux.
A l’assistant réalisant de simples clichés radiographiques a succédé l’auxiliaire médical spécialiste des scanners et des échographies.
À une connaissance historique des rayons X, s’est ajoutée, au fur et à mesure de l’évolution des techniques médicales, la maitrise des isotopes et des ultrasons.
Désormais en étroite collaboration avec le médecin radiologue, le manipulateur radio participe aux différents diagnostics ainsi qu’au traitement par radiothérapie du cancer.
Avec près de 600 nouveaux cas de patients polynésiens cancéreux dépistés par an, inutile de vous dire chers collègues, que les besoins dans ce métier vont croître.
L’Arass a-t-elle prévu que ces besoins soient pourvus par des enfants du pays diplômés au lieu de faire recours à la main-d’œuvre métropolitaine ?
Telle est l’éternelle question de la protection et de la promotion de l’emploi local à laquelle ce projet de texte nous rappelle.
Cette profession qui ne connaît pas le chômage demeure méconnue des étudiants polynésiens au point que les postes récemment ouverts en Polynésie française n’ont pas été pourvus par des enfants du pays.
L’on pourra reprocher au pays d’avoir manqué de vigilance et de n’avoir pas incité des jeunes à suivre cette formation d’autant que l’estimation des besoins est calée sur les départs à la retraite et que le cursus des études n’est pas long.
En effet, pour devenir manipulateur radio, 3 ans après le baccalauréat sont nécessaires pour accéder au diplôme d’État de manipulateur radio et 2 ans pour le diplôme de technicien supérieur en imagerie médicale et radiologie thérapeutique.
Si le diplôme d’État confère le grade de licence obtenu au terme de la validation de 180 crédits européens, le diplôme de technicien supérieur octroie les mêmes compétences et les mêmes débouchés.
Ainsi, le présent texte de portée générale prévoit d’organiser la profession, ses domaines d’intervention, les diplômes nécessaires qui doivent être enregistrées auprès de l’Arass.
Il prévoit des dispositions pénales relatives à l’exercice illégal de cette profession ainsi que des dispositions transitoires et finales sur les modalités de régularisation des personnes exerçant actuellement en Polynésie cette profession.
La période de dérogation transitoire est censée permettre à ceux qui exercent sans diplôme d’avoir une reconnaissance de la qualification avec dix années d’activité.
Toutefois, au niveau de la Direction de la santé, si des manipulateurs radio travaillent effectivement dans les hôpitaux de Uturoa, de Taravao et de Taiohae, dans ses autres structures des îles « c’est le système D », c’est le médecin ou l’infirmier qui fait la radio et l’interprète quand il dispose d’un plateau radiologique.
Il convient ici de féliciter le dévouement, la polyvalence et la résilience de ses personnels de santé qui effectuent des actes sortant de leurs compétences par nécessité et pour leurs patients.
Mais lorsque cette loi du pays entrera en vigueur, ce personnel des îles se retrouvera en exercice illégal de la profession de manipulateur radio. En solution, la Direction de la santé envisage de mettre en place des manipulateurs volants qui intégreront le pool des itinérants dédiés aux consultations spécialisées avancées. Ces manipulateurs feront par conséquent des radiographies programmées et non urgentes. Mais en situations d’urgence pouvant être vitales, ce sera encore le système D des radios effectués par des soignants non qualifiés.
La télémédecine pourrait être une solution mais, en l’état actuel dérisoire des connexions Internet dans les îles éloignées, cette solution relève de l’utopie.
Pour conclure, le groupe Tavini Huiraatira votera favorablement ce texte qui encadre la profession de manipulateur radio, mais s’interroge, d’une part, sur la volonté réelle du gouvernement à promouvoir l’emploi local au travers de cette profession de santé et, d’autre part, sur la survenue probable de futurs contentieux dans les îles pour exercice illégal de la profession de manipulateur radio.
Je vous remercie.
Mme Éliane TEVAHITUA