INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 53 du 23 06 20
- Lettre n° 1904/PR du 25/03/2020
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : Favorable
DOCUMENTS
SESSION ADMINISTRATIVE – 5E SÉANCE DU 06/07/2020
Rapport sur le projet de loi du pays portant modification de la délibération n° 74-11 du 25 janvier 1974 portant institution d’un régime de retraite en faveur des agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprises, et autres dispositions d’ordre social
Chers collègues,
Dans ce projet de loi du pays modifiant la délibération n° 74-11 du 25 janvier 1974, il nous est proposé d’inclure dans le régime d’assurance retraite volontaire polynésien les professions non salariées de ministres du culte et de membres des associations, congrégations et collectivités religieuses, et ce, à l’instar des 579 cotisants agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprises recensés en 2018, mais également à l’instar des professions libérales.
Ce projet de délibération est censé bénéficier à environ 100 personnes. Mais sont principalement concernées 25 curés et 35 pasteurs des Églises catholique et protestante qui, jusqu’ici, cotisaient à l’assurance maladie mais pas à celle de la vieillesse.
Toutefois, des conditions leur sont posées pour bénéficier de cette assurance volontaire telle que la non-affiliation au régime de retraite des travailleurs salariés de la CPS ni à un autre régime de retraite de base obligatoire ou volontaire.
L’assuré volontaire devra s’acquitter du « versement de la double cotisation patronale et ouvrière du régime de retraite des travailleurs salariés » qui est calculée d’après « le revenu professionnel ou cultuel non salarié net moyen mensuel perçu au cours de l’année précédente ». Or, ce revenu de base fluctue entre 50 et 100 000 francs CFP par mois.
Cet assuré volontaire aura-t-il les moyens financiers de s’acquitter de cette double cotisation salariale et patronale ?
De plus, les droits à l’assurance volontaire cessent lorsque les cotisations n’ont pas été acquittées pendant trois mois consécutifs et sont « liquidés conformément aux dispositions du régime de retraite des travailleurs salariés ».
Aussi, je me pose la question de savoir si le demandeur de cette assurance volontaire de retraite sera vraiment gagnant dans l’affaire. Pourra-t-il obtenir une pension de retraite de la tranche A à taux plein ?
Aurait-il les moyens de racheter cinq annuités de cotisations comme cela est proposé pendant un laps de temps de quatre ans après l’entrée en vigueur de ce texte ?
Permettez-moi d’en douter !
Lors de la commission de la santé du 23 juin dernier, le directeur de l’Agence de régulation de l’action sanitaire a rappelé que, lorsqu’un retraité dispose d’une petite retraite, il peut toucher l’allocation complémentaire de retraite pour arriver au niveau du moni ru’au (NDT, ou minimum vieillesse garanti) qui constitue la base minimale de toute pension de retraite. Ces dispositions s’appliqueront désormais aux ministres du culte.
Mais, en l’état actuel des choses, un pasteur ou un curé de 60 ans sans autre revenu ne peuvent-ils pas déjà prétendre à ce moni ru’au (NDT, ou minimum vieillesse garanti) ?
En bref, si ce projet de texte vient en quelque sorte réparer un oubli de plus de 40 ans depuis qu’en 1974 les agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprises ont la possibilité de souscrire au régime d’assurance retraite volontaire de la CPS, on pourra s’interroger sur leur réelle efficacité pour des revenus très inférieurs au Smig.
Il permettra potentiellement à la CPS de récupérer de menues cotisations patronales et salariales de l’ordre de 14 millions par an.
En ces temps de disette financière pour elle, il n’y a pas de petits profits. Mais cela est largement insuffisant pour équilibrer ses comptes, alors que 3 000 salariés viennent de perdre leur emploi en raison de la crise sanitaire de la covid-19 et que des milliers d’autres risquent d’être au chômage économique au cours du deuxième semestre, alors que la Polynésie ouvre progressivement son ciel aux vols internationaux et qu’une recrudescence de la pandémie de la covid-19 est observée actuellement.
C’est pourquoi, Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelle est la viabilité actuelle de notre régime de retraite. Les actuels retraités au nombre de 41 000 sont-ils assurés de toucher leur pension de retraite et jusqu’à quand ?
Par ailleurs, hormis la centaine de ministres du culte et assimilés, 11 000 personnes ne cotisent pas au régime de retraite de la CPS et peuvent, l’âge venu, bénéficier du moni ru’au (NDT, ou minimum vieillesse garanti). Qu’avez-vous prévu pour elles ?
Et quid des milliers de fonctionnaires d’État travaillant ou prenant leur retraite en Polynésie, quand cotiseront-ils à la CPS ?
Pour conclure, comme en commission, le groupe Tavini Huiraatira votera favorablement cette loi du pays ; mais ce vote favorable est mitigé car ce texte nous paraît très imparfait.
Mme Éliane TEVAHITUA