INTERVENTION
- Intervenante du groupe Tavini Huiraatira : Mme Éliane TEVAHITUA
- Rapport n° 22 du 15 04 20
- Lettre n° 2289/PR du 15/04/2020
- Temps de parole : 10 mn
- Consigne de vote : Abstention
DOCUMENTS
SESSION ADMINISTRATIVE – 1RE SÉANCE DU 17/04/2020
Rapport relatif au projet de loi du pays sur la prévention et la gestion des menaces sanitaires graves et des situations d’urgence
Madame la présidente. Chers collègues,
En lisant l’unique article de ce projet de loi du pays amendé en commission, j’en ai déduit que c’est la réponse du berger à la bergère, c’est-à-dire du gouvernement à l’État.
Je m’explique. Ce projet de loi du pays semble avoir été conçu en réaction à l’ordonnance précédente laquelle retire à la Polynésie ses compétences sanitaires exclusives pendant la crise du Covid-19 au motif de l’état d’urgence sanitaire et du droit d’exception.
En réponse à l’État, le gouvernement envisage d’attribuer au Conseil des ministres la compétence d’arrêter des mesures d’urgence en cas de menace ou de crise sanitaire grave, lesquelles seront communiquées ultérieurement au haut-commissaire pour information.
Dans son exposé des motifs, le gouvernement se fonde sur l’article 13 de la loi organique, mais surtout sur l’avis du Conseil d’État en date du 14 mai 2003 qui rappelle la compétence des autorités de la Polynésie française en matière de protection sanitaire de la population établie sur son territoire et de lutte contre les épidémies et certaines maladies transmissibles, et conclut fort justement à la responsabilité du Pays dans la détermination de la politique de santé et dans la gestion de crise sanitaire, notamment en ce qui concerne la préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires.
Pour ce faire, le gouvernement veut se voir confier des pouvoirs de police spéciaux en matière sanitaire lui permettant de prendre, par arrêté en Conseil des ministres, toutes mesures pour lutter contre la propagation de maladies.
Or, ces mesures pouvant porter atteinte à la compétence régalienne en matière de liberté publique, le groupe Tavini Huiraatira ne sera pas étonné que les services du haut-commissariat fassent recours contre cette loi.
Sans doute est-ce cela que le gouvernement souhaite… Par ailleurs, le gouvernement souhaite s’affranchir du contrôle de l’assemblée au motif que celle-ci aurait des difficultés à se réunir en temps de crise sanitaire.
Or, tous les membres de la commission de la santé se sont réunis en urgence le 15 avril, sans respect des délais réglementaires impartis, afin d’examiner trois textes, dont ce projet de loi du pays arrivé le même jour, ils l’ont examiné dans la foulée en vue de son passage en séance plénière le 17 avril.
C’est dire la réactivité de l’assemblée aux urgences présentées par le gouvernement et la grande capacité de résilience de ses représentants, en dépit du confinement général et de l’impossibilité pour nos collègues des archipels d’être physiquement présents. Pour ces raisons, le groupe Tavini Huiraatira ne cautionnera pas ce projet de loi du pays qui porte atteinte au pouvoir législatif de notre institution malgré de soi-disant garde-fous, et même si le Tavini Huiraatira trouve légitime la démarche de récupération des compétences sanitaires du Pays vis-à-vis de l’État.
En conclusion, le groupe Tavini Huiraatira s’abstiendra.
Mme Éliane TEVAHITUA